Rapport de l'ASN 2021

RAPPORT DE L’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2021

L’Autorité de sûreté nucléaire présente son rapport sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2021. Ce rapport est prévu par l’article L. 592-31 du code de l’environnement. Il a été remis au Président de la République, au Premier ministre et aux Présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, et transmis à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques en application de l’article précité.

AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE MISSIONS FONCTIONNEMENT CHIFFRES CLÉS ORGANIGRAMME Créée par la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, l’ASN est une autorité administrative indépendante chargée du contrôle des activités nucléaires civiles en France. L’ASN assure, au nom de l’État, le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour protéger les personnes et l’environnement. Elle informe le public et contribue à des choix de société éclairés. L’ASN décide et agit avec rigueur et discernement : son ambition est d’exercer un contrôle reconnu par les citoyens et constituant une référence internationale. 15 ANS 2006 2021 RAPPORT DE L’ASN SUR L’ÉTAT DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE LA RADIOPROTECTION EN FRANCE EN 2021

RÉGLEMENTER L’ASN contribue à l’élaboration de la réglementation, en donnant son avis au Gouvernement sur les projets de décret et d’arrêté ministériel et en prenant des décisions réglementaires à caractère technique. Elle s’assure que la réglementation est claire, accessible et proportionnée aux enjeux. AUTORISER L’ASN instruit l’ensemble des demandes d’autorisation individuelles des installations nucléaires. Elle accorde les autorisations, à l’exception des autorisations majeures des installations nucléaires de base (INB) telles que la création et le démantèlement. L’ASN délivre également les autorisations prévues par le code de la santé publique pour le nucléaire de proximité et accorde les autorisations ou agréments relatifs au transport de substances radioactives. CONTRÔLER L’ASN vérif ie le respect des règles et des prescriptions auxquelles sont soumises les installations et activités entrant dans son champ de compétence. Depuis la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, les missions de l’ASN s’étendent à la protection des sources de rayonnements ionisants contre les actes de malveillance. L’inspection représente l’activité de contrôle principale de l’ASN. Près de 1 900 inspections ont ainsi été réalisées en 2021 dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. L’ASN dispose de pouvoirs de coercition et de sanction gradués (mise en demeure, amende administrative, astreinte journalière, possibilité de procéder à des saisies, prélèvements ou consignations, etc.). L’amende administrative relève de la compétence d’une commission des sanctions placée au sein de l’ASN, respectant le principe de séparation des fonctions d’instruction et de jugement. INFORMER L’ASN rend compte de son activité au Parlement. Elle informe le public et les parties prenantes (associations de protection de l’environnement, commissions locales d’information, médias, etc.) de son activité et de l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France. L’ASN permet à tout citoyen de participer à l’élaboration de ses décisions ayant une incidence sur l’environnement. Elle soutient l’action des commissions locales d’information placées auprès des installations nucléaires. Le site Internet asn.fr est le mode privilégié d’information de l’ASN. EN CAS DE SITUATION D’URGENCE L’ASN contrôle les opérations de mise en sûreté de l’installation prises par l’exploitant. Elle informe le public et ses homologues étrangères de la situation. L’ASN assiste le Gouvernement. En particulier, elle adresse aux autorités compétentes ses recommandations sur les mesures à prendre au titre de la sécurité civile. UN CONTRÔLE D’ACTIVITÉS ET D’INSTALLATIONS DIVERSIFIÉES Centrales nucléaires, gestion des déchets radioactifs, fabrication et retraitement de combustibles nucléaires, colis de substances radioactives, installations médicales, laboratoires de recherche, activités industrielles, etc., l’ASN contrôle un ensemble d’activités et d’installations très varié. Ce contrôle porte sur : ∙ 56 réacteurs nucléaires produisant 70% de l’électricité consommée en France, ainsi que le réacteur EPR de Flamanville en construction ; ∙ environ 80 autres installations participant à des activités de recherche civile, à des activités de gestion de déchets radioactifs ou à des activités du « cycle du combustible» ; ∙ 35 installations déf initivement arrêtées ou en démantèlement ; ∙ plusieurs milliers d’installations ou d’activités dans lesquelles sont utilisées des sources de rayonnements ionisants à des f ins médicales, industrielles ou de recherche ; ∙ plusieurs centaines de milliers d’expéditions de substances radioactives réalisées annuellement sur le territoire national. LE RECOURS À DES EXPERTS Pour prendre ses décisions, l’ASN s’appuie sur des expertises techniques extérieures, notamment celles de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Le président de l’ASN est membre du conseil d’administration de l’IRSN. L’ASN sollicite également les avis et les recommandations de huit groupes permanents d’experts placés auprès d’elle et provenant d’horizons scientifiques et techniques divers. L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE MISSIONS

LE COLLÈGE Le collège déf init la politique générale de l’ASN en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. Il est composé de cinq commissaires, dont le président, désignés pour six ans(*). DÉSIGNÉS PAR le Président de la République DÉSIGNÉE PAR le Président du Sénat DÉSIGNÉ PAR le Président de l’Assemblée nationale (*) Le code de l’environnement, modif ié par la loi n° 2017‑55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, prévoit le renouvellement du collège de l’ASN à l’exception de son président, par moitié tous les trois ans. Le décret n° 2019‑190 du 14 mars 2019 (codif iant les dispositions applicables aux INB, au transport de substances radioactives et à la transparence en matière nucléaire) a prévu les dispositions transitoires utiles et modif ié la durée des mandats de trois commissaires. (**) Par décret du Président de la République en date du 21 avril 2021, Laure Tourjansky a été nommée commissaire pour la durée du mandat restant à courir de Lydie Évrard, appelée à d’autres fonctions. Impartialité Les commissaires exercent leurs fonctions en toute impartialité sans recevoir d’instructions ni du Gouvernement ni d’aucune autre personne ou institution. Indépendance Les commissaires exercent leurs fonctions à temps plein. Leur mandat est d’une durée de six ans. Il n’est pas renouvelable. Il ne peut être mis f in aux fonctions d’un commissaire qu’en cas d’empêchement ou de démission constaté par le collège statuant à la majorité de ses membres. Le Président de la République peut mettre f in aux fonctions d’un membre du collège en cas de manquement grave à ses obligations. Compétences Le collège prend des décisions et rend des avis qui sont publiés au Bulletin off iciel de l’ASN. Le collège déf init la politique de contrôle de l’ASN. Le président nomme les inspecteurs de l’ASN. Le collège décide de l’ouverture des enquêtes après incident ou accident. Chaque année, il présente au Parlement le Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France. Son président rend compte des activités de l’ASN aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi qu’à l’Off ice parlementaire d’évaluation des choix scientif iques et technologiques. Le collège déf init la politique de relations extérieures de l’ASN au plan national et au plan international. LES SERVICES L’ASN dispose de services placés sous l’autorité de son président. Les services sont dirigés par un directeur général, nommé par le président de l’ASN. Ils assurent les missions de l’ASN au quotidien et préparent les projets d’avis et de décisions pour le collège de l’ASN. Ils se composent : ∙ de services centraux, organisés par thématiques, qui pilotent leur domaine d’activité à l’échelle nationale, tant sur les questions techniques que transverses (action internationale, préparation aux situations d’urgence, information des publics, affaires juridiques, ressources humaines et autres fonctions support). En particulier, ils préparent les projets de doctrine et de textes de portée générale, instruisent les dossiers techniques les plus complexes et les dossiers «génériques », c’est‑à‑dire se rapportant à plusieurs installations similaires ; ∙ de 11 divisions territoriales, compétentes sur une ou plusieurs régions administratives, de façon à couvrir l’ensemble du territoire national et les collectivités territoriales d’outre‑mer. Les divisions réalisent l’essentiel du contrôle de terrain sur les installations nucléaires, les transports de substances radioactives et les activités du nucléaire de proximité. Elles représentent l’ASN en région et contribuent à l’information du public dans leur périmètre géographique. Dans les situations d’urgence, les divisions assistent le préfet de département, responsable de la protection des populations, et assurent le contrôle des opérations de mise en sûreté de l’installation accidentée. Bernard DOROSZCZUK Président Sylvie CADET-MERCIER (*) Commissaire Géraldine PINA JOMIR Commissaire Laure TOURJANSKY (*)(**) Commissaire Jean-Luc LACHAUME (*) Commissaire du 13 novembre 2018 au 12 novembre 2024 du 21 décembre 2016 au 9 décembre 2023 du 15 décembre 2020 au 9 décembre 2026 du 21 avril 2021 au 9 décembre 2023 du 21 décembre 2018 au 9 décembre 2026 L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE FONCTIONNEMENT RAPPORT DE L’ASN SUR L’ÉTAT DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE LA RADIOPROTECTION EN FRANCE EN 2021

85 % de cadres 48 % de femmes 317 inspecteurs PERSONNEL ACTIONS DE L'ASN 63 notes d'information 11 conférences de presse 1917 décisions individuelles d’autorisation et d’enregistrement délivrées 8 réunions plénières des groupes permanents d'experts 519 agents 26733 lettres de suite d’inspection disponibles sur asn.fr au 31 décembre 2021 393 avis techniques de l’IRSN rendus à l’ASN réponses aux sollicitations du public et des parties prenantes 550 inspections dont 5% réalisées à distance 1881 BUDGET 83 M€ de budget de l’IRSN consacrés à l’expertise pour l’ASN de budget pour l’ASN (programme 181) 67,15 M€ INFORMATIONS L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE

NOMBRE D’ÉVÉNEMENTS SIGNIFICATIFS DANS LE DOMAINE MÉDICAL (*) NOMBRE D’ÉVÉNEMENTS SIGNIFICATIFS CLASSÉS SUR L’ÉCHELLE INES (*) 1 172 événements dans les installations nucléaires de base 1 068 103 84 événements dans le transport de substances radioactives 80 4 210 événements dans le nucléaire de proximité (médical et industriel) 176 1 34 Niveau0 Niveau 1 Niveau 2 642 événements significatifs par domaine d’exposition 120 événements significatifs de radiothérapie externe et curiethérapie selon le classement sur l’échelle ASN-SFRO Curiethérapie Radiothérapie externe Médecine nucléaire Scanographie Radiologie conventionnelle et dentaire Pratiques interventionnelles radioguidées Hors échelle Niveau 0 Niveau 1 Niveau 2 87 226 186 11 23 109 (*) L’échelle internationale INES (International Nuclear and Radiological Event Scale) a été développée par l’AIEA af in d’expliquer au public l’importance d’un événement vis-à-vis de la sûreté ou de la radioprotection. Cette échelle est applicable aux événements survenant dans les INB et aux événements ayant des conséquences, potentielles ou réelles, sur la radioprotection du public et des travailleurs. Elle ne s’applique pas aux événements ayant un impact sur la radioprotection des patients, les critères habituellement utilisés pour classer les événements (dose reçue notamment) n’étant pas applicables dans ce cas. Comme il était pertinent de pouvoir informer le public sur les événements de radiothérapie, l’ASN a développé, en lien étroit avec la Société française de radiothérapie oncologique, une échelle spécif ique aux événements de radiothérapie (échelle ASN-SFRO). Ces deux échelles couvrent un champ relativement large des événements de radioprotection, à l’exception des événements d’imagerie. Hors échelle Niveau 0 Niveau 1 Niveau 2 Niveau 3 Hors échelle Niveau 0 Niveau 1 Niveau 2 Niveau 3 63 35 17 4 1 L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE CHIFFRES CLÉS 2021 RAPPORT DE L’ASN SUR L’ÉTAT DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE LA RADIOPROTECTION EN FRANCE EN 2021

CHEFFE DE CABINET Sylvie RODDE DIRECTEURS GÉNÉRAUX ADJOINTS Julien COLLET Daniel DELALANDE Anne-Cécile RIGAIL INSPECTEUR EN CHEF Christophe QUINTIN DIRECTEUR DE CABINET Vincent CLOÎTRE DIRECTEUR GÉNÉRAL Olivier GUPTA PRÉSIDENT Bernard DOROSZCZUK DÉONTOLOGUE Alain DORISON MISSION EXPERTISE ET ANIMATION Adeline CLOS MISSION DE SOUTIEN AU CONTRÔLE Julien HUSSE ÉQUIPEMENTS SOUS PRESSION NUCLÉAIRES Corinne SILVESTRI DÉCHETS, INSTALLATIONS DE RECHERCHE ET DU CYCLE Cédric MESSIER CENTRALES NUCLÉAIRES Rémy CATTEAU RAYONNEMENTS IONISANTS ET SANTÉ Carole ROUSSE ENVIRONNEMENT ET SITUATIONS D’URGENCE Olivier RIVIÈRE TRANSPORT ET SOURCES Fabien FÉRON RELATIONS INTERNATIONALES Luc CHANIAL AFFAIRES JURIDIQUES Olivia LAHAYE INFORMATION, COMMUNICATION ET USAGES NUMÉRIQUES Céline ACHARIAN COLLÈGE DIRECTIONS COMMISSAIRES Sylvie CADET-MERCIER Jean-Luc LACHAUME Géraldine PINA JOMIR Laure TOURJANSKY PRÉSIDENT Maurice MÉDA COMMISSION DES SANCTIONS DIRECTION GÉNÉRALE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL Brigitte ROUÈDE L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE

10 9 8 7 5 4 3 2 1 (1) Les divisions de Caen et Orléans interviennent respectivement dans les régions Bretagne et Île-de-France pour le contrôle des seules INB. (2) La division de Paris intervient en Martinique, Guadeloupe, Guyane, Mayotte, Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon. (3) Les divisions de Bordeaux et Marseille assurent conjointement le contrôle de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et du transport de substances radioactives dans la région Occitanie. (4) Les divisions de Châlons-en-Champagne et Strasbourg assurent conjointement le contrôle de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et du transport de substances radioactives dans la région Grand Est. (*) Au 1er mars 2022. DROM-COM 1 BORDEAUX DÉLÉGUÉE TERRITORIALE Alice-Anne MÉDARD CHEF DE DIVISION Simon GARNIER 2 CAEN DÉLÉGUÉ TERRITORIAL Olivier MORZELLE CHEF DE DIVISION Division de Lille Hauts-de-France Division de Châlons-en-Champagne (4) Grand Est Division de Strasbourg (4) Grand Est Division de Lyon Auvergne-Rhône-Alpes Division de Marseille (3) Corse, Occitanie, Provence-AlpesCôte d'Azur Division de Bordeaux (3) Nouvelle-Aquitaine, Occitanie Division de Nantes Bretagne, Pays de la Loire Division de Caen (1) Normandie Division de Paris (2) Île-de-France, DROM-COM Division d'Orléans (1) Centre-Val de Loire 10 DIVISIONS 4 DIJON DÉLÉGUÉ TERRITORIAL Jean-Pierre LESTOILLE CHEF DE DIVISION Marc CHAMPION 7 MARSEILLE DÉLÉGUÉE TERRITORIALE Corinne TOURASSE CHEF DE DIVISION Bastien LAURAS Adrien MANCHON 5 LILLE DÉLÉGUÉ TERRITORIAL Laurent TAPADINHAS CHEF DE DIVISION Rémy ZMYSLONY 8 NANTES DÉLÉGUÉE TERRITORIALE Anne BEAUVAL CHEFFE DE DIVISION Émilie JAMBU 10 PARIS DÉLÉGUÉE TERRITORIALE Emmanuelle GAY CHEFFE DE DIVISION Agathe BALTZER 11 Mathieu RIQUART 6 LYON DÉLÉGUÉ TERRITORIAL Jean-Philippe DENEUVY CHEFFE DE DIVISION Nour KHATER 9 ORLÉANS DÉLÉGUÉ TERRITORIAL Hervé BRÛLÉ CHEF DE DIVISION Arthur NEVEU 11 STRASBOURG DÉLÉGUÉ TERRITORIAL Hervé VANLAER CHEF DE DIVISION Pierre BOIS 3 CHÂLONS-EN-CHAMPAGNE DÉLÉGUÉ TERRITORIAL Hervé VANLAER CHEF DE DIVISION 6 Division de Dijon Bourgogne-Franche-Comté L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE ORGANIGRAMME(*) RAPPORT DE L’ASN SUR L’ÉTAT DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE LA RADIOPROTECTION EN FRANCE EN 2021

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AVIS AU LECTEUR i Éditorial du collège p. 2 // Éditorial du directeur général p. 8 // Les appréciations de l’ASN p. 12 // Faits marquants 2021 p. 22 // Actualités réglementaires p. 30 // Le panorama régional de la sûreté nucléaire et de la radioprotection p. 38 // SOMMAIRE 01p. 100 Les activités nucléaires : rayonnements ionisants et risques pour la santé et l’environnement 08p. 236 Les sources de rayonnements ionisants et les utilisations industrielles, vétérinaires et en recherche de ces sources 02p. 120 Les principes de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et les acteurs du contrôle 09p. 266 Le transport de substances radioactives 03p. 146 Le contrôle des activités nucléaires et des expositions aux rayonnements ionisants 10p. 284 Les centrales nucléaires d’EDF 06p. 194 Les relations internationales 13p. 334 Le démantèlement des installations nucléaires de base 05p. 182 L’information des publics 12p. 328 Les installations nucléaires de recherche et industrielles diverses 04p. 170 Les situations d’urgence radiologique et post-accidentelles 11 p. 318 Les installations du «cycle du combustible nucléaire» 07p. 206 Les utilisations médicales des rayonnements ionisants 14p. 352 Les déchets radioactifs et les sites et sols pollués ANNEXEp. 372 Liste des installations nucléaires de base au 31 décembre 2021 • Le contrôle des activités nucléaires de proximité (médical, recherche et industrie, transport) est présenté dans les chapitres 7, 8, 9. • Seules les actualités réglementaires de l’année 2021 sont présentes dans cet ouvrage. L’ensemble de la réglementation est consultable sur asn.fr, rubrique «L’ASN réglemente». RAPPORT DE L’ASN SUR L’ÉTAT DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE LA RADIOPROTECTION EN FRANCE EN 2021

ÉDITORIAL DU COLLÈGE De gauche à droite : Jean‑Luc LACHAUME, Commissaire ; Laure TOURJANSKY, Commissaire ; Bernard DOROSZCZUK, Président ; Géraldine PINA JOMIR, Commissaire ; Sylvie CADET‑MERCIER, Commissaire. Les préoccupations de sûreté nucléaire doivent être placées au cœur des décisions de politique énergétique 2 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2021

Montrouge, le 1er mars 2022 En 2021, la sûreté des installations nucléaires ainsi que la radioprotection dans les secteurs médicaux, industriels et des transports de substances radioactives se sont maintenues à un niveau satisfaisant, en grande continuité par rapport au niveau constaté en 2020. Ce qui ressort plus particulièrement de l’année 2021, et notamment de sa seconde partie, ce sont les fragilités industrielles qui touchent l’ensemble des installations nucléaires et le débat qui s’est installé sur les choix de politique énergétique et la place du nucléaire dans ces choix. Sur ces sujets, l’ASN porte quatre messages clés : 1. Le système électrique français doit aujourd’hui faire face à une double fragilité inédite en matière de disponibilité qui touche tant les installations du «cycle du combustible» que le parc nucléaire des réacteurs. À cette fragilité s’est ajoutée la découverte inattendue d’un phénomène de corrosion sous contrainte sur plu‑ sieurs réacteurs d’EDF, qui constitue un événement sérieux du point de vue de la sûreté. Ces situations et fragilités, qui résultent pour l’essentiel de l’absence de marge et d’un déf icit d’anticipation, doivent servir de retour d’expérience pour l’ensemble de la filière nucléaire et les pouvoirs publics. 2. Les préoccupations de sûreté nucléaire doivent être placées au cœur des décisions de politique énergétique, au même niveau que les préoccupations de production d’électricité décarbonée à horizon 2050. Dans les 5 ans qui viennent, EDF devra questionner et justifier individuellement la capacité des réacteurs les plus anciens à poursuivre leur fonctionnement au‑delà de 50 ans, voire de 60 ans, de manière à permettre, dès que possible, d’en tirer les enseignements sur les capa‑ cités supplémentaires de production à prévoir. Parallèlement, compte tenu du développement pré‑ visible de l’électrification des usages, et au regard du besoin de maintenir des marges dans le système élec‑ trique, les pouvoirs publics devraient dûment peser, sauf impératif de sûreté, le choix affiché de l’arrêt défi‑ nitif programmé de 12 réacteurs supplémentaires d’ici 2035. Enf in, d’ici la f in de la décennie au plus tard, le Gouver‑ nement devrait se prononcer sur la poursuite ou non du retraitement des combustibles usés à l’horizon de 2040 pour en anticiper les conséquences, en matière soit de rénovation des installations actuelles, soit de solutions alternatives à prévoir pour la gestion des combustibles usés. 3. La perspective d’une politique énergétique comportant une composante nucléaire de long terme doit être accompagnée d’une politique exemplaire en matière de gestion des déchets et du nucléaire historique. Une telle politique suppose que des décisions soient prises, avant le terme du prochain Plan national de ges‑ tion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR), pour que tous les types de déchets disposent de filières de gestion opérationnelles dans les 15 à 20 ans à venir, et que les exploitants nucléaires se mobilisent davan‑ tage pour conduire, dans les délais prévus, les projets de reprise et de conditionnement sûr des déchets nucléaires historiques dont ils ont la responsabilité. 4. L’ASN réaffirme que les nouvelles perspectives de politique énergétique, quelles qu’elles soient, supposent un effort industriel considérable pour faire face aux enjeux industriels et de sûreté. Si le nucléaire fait partie des choix faits pour assu‑ rer un mix énergétique décarboné à horizon 2050, la f ilière nucléaire devra mettre en place un véritable «plan Marshall » pour rendre industriellement soute‑ nable cette perspective, et disposer des compétences lui permettant de faire face à l’ampleur des projets et à leur durée. La qualité et la rigueur de la conception, de la fabri‑ cation et du contrôle des installations nucléaires, qui n’ont pas été au niveau attendu dans les derniers grands projets nucléaires engagés en France, consti‑ tuent le premier niveau de défense en profondeur en matière de sûreté. Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2021 3 ÉDITORIAL DU COLLÈGE

Une chaîne du combustible fragilisée, qui met le système électrique sous tension L’industrie du «cycle du combustible» est constituée de l’ensemble des installations concourant à la produc‑ tion des combustibles neufs, au retraitement des com‑ bustibles usés et à la valorisation des produits issus du retraitement. Ces installations, non redondantes, consti‑ tuent les maillons d’une chaîne dont le fonctionnement peut être perturbé si l’une d’entre elles est défaillante durablement. Une série d’événements fragilise actuellement l’en‑ semble de la chaîne du « cycle du combustible » et constitue un point d’attention stratégique majeur pour l’ASN, dans la mesure où une accumulation de matières ou de déchets radioactifs non anticipée pour‑ rait conduire à des conditions d’entreposage non satis‑ faisantes du point de vue de la sûreté. La construction de la piscine centralisée d’entreposage des combustibles usés prévue par EDF pour répondre au risque de saturation des piscines actuelles à l’horizon 2030, dont le besoin avait été identifié depuis 2010, n’est pas encore démarrée ; cette piscine ne sera disponible au mieux qu’en 2034. Ce retard nécessitera la mise en place de parades pour augmenter les capacités d’entre‑ posage existantes. La parade retenue par Orano, consis‑ tant à densifier l’entreposage dans les piscines actuelles de l’usine de La Hague, ne peut pas constituer une solu‑ tion pérenne compte tenu des durées d’entreposage nécessaires, de l’ordre d’une centaine d’années, et des standards de sûreté les plus récents. Par ailleurs, les difficultés de fonctionnement de l’usine Melox d’Orano rencontrées ces dernières années, qui se sont aggravées en 2021, induisent une saturation dès 2022 des capacités d’entreposage des matières plutonifères, du fait de la production d’une quan‑ tité importante de rebuts de fabrication. Ces diff i‑ cultés conduisent dès à présent au « démoxage » de certains des réacteurs de 900 MWe qui utilisaient le MOX comme combustible. Elles pourraient également induire une saturation à une échéance plus proche que 2028-2029 des piscines d’entreposage des combustibles usés de l’usine de La Hague. Enf in, la découverte d’une corrosion plus rapide que prévue à la conception sur les évaporateurs actuels de l’usine d’Orano La Hague réduit les capacités de retrai‑ tement jusqu’à la mise en service des nouveaux évapo‑ rateurs‑concentrateurs de produits de fission et pourrait dégrader encore davantage la marge à la saturation des piscines de La Hague. Globalement, ces situations traduisent un manque d’anticipation et de précaution du fait de l’absence de marge qui fragilise l’ensemble de la chaîne du «cycle du combustible » et qui pourrait, par ricochet, avoir des conséquences sur le fonctionnement des centrales nucléaires. Une tension sur la disponibilité du parc nucléaire, qui rappelle le besoin de maintien des marges pour la sûreté L’hiver 2021-2022 a été marqué par une moindre dispo‑ nibilité du parc nucléaire que celle envisagée. Plusieurs causes en sont à l’origine ; certaines étaient prévisibles, d’autres moins. Le report de l’autorisation de mise en service de l’EPR de Flamanville, la mise à l’arrêt en 2020 des deux réac‑ teurs de Fessenheim et le calendrier des opérations lourdes de maintenance («grand carénage») program‑ mées à partir de 2018 étaient connus. À cette moindre disponibilité prévisible dès 2018, s’est ajouté l’impact inattendu, identifié dès mi-2020, de la pandémie de Covid-19, notamment du premier confi‑ nement. Ce conf inement a, en effet, conduit à étaler les opérations de maintenance et de rechargement en combustible des réacteurs, ce qui a eu pour consé‑ quences de réduire les marges sur les capacités de pro‑ duction pour plusieurs hivers consécutifs. Enf in, cet hiver, s’est ajouté la mise ou le maintien à l’arrêt des quatre réacteurs de Civaux et de Chooz du palier N4, puis d’un réacteur de Penly, pour des contrôles approfondis et des réparations, à la suite de la détection d’anomalies de corrosion sous contrainte sur des soudures du circuit d’injection de sécurité des réacteurs. Un programme de contrôle s’étalant sur plu‑ sieurs mois des réacteurs du parc nucléaire susceptibles d’être les plus affectés a été proposé par EDF. … 4 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2021 ÉDITORIAL DU COLLÈGE

Cette accumulation d’événements illustre le besoin impératif, maintes fois souligné par l’ASN à destina‑ tion des pouvoirs publics et des acteurs de la f ilière nucléaire, de maintenir des marges dans le dimension‑ nement du système électrique et des installations pour pouvoir faire face à des aléas et ne pas avoir à arbitrer entre sûreté des installations et disponibilité de la four‑ niture d’électricité. Des perspectives de nouvelle politique énergétique qui doivent intégrer dès à présent les préoccupations de sûreté Dans le rapport du Réseau de transport d’électricité (RTE) d’octobre 2021, réalisé à la demande du Gouver‑ nement, sur les «Futurs énergétiques» pour atteindre une économie décarbonée à l’horizon 2050, cinq des six scénarios présentés reposent sur un fonctionnement prolongé du parc nucléaire actuel. À ce stade, les éléments à disposition de l’ASN lors de l’instruction générique du quatrième réexamen de sûreté des réacteurs de 900 MWe, sur lequel elle s’est prononcée en février 2021, ne permettent pas de conclure que la poursuite de fonctionnement de tous ces réacteurs au‑delà de 50 ans est acquise. En effet, certains réacteurs présentent des spécificités qui pour‑ raient conduire à ne pas pouvoir justif ier, avec les méthodes actuelles, leur capacité à fonctionner jusqu’à 60 ans. Par ailleurs, à plus long terme, l’un des scénarios envi‑ sagés par RTE présente un mix électrique avec une part d’électricité nucléaire proche de 50% en 2050. La concertation avec les industriels a mis en évidence que le rythme de construction de nouveaux réacteurs nucléaires pour atteindre un tel niveau apparaît diff i‑ cilement soutenable, ce qui a conduit RTE à faire éga‑ lement reposer ce scénario sur le fonctionnement de quelques réacteurs au‑delà de 60 ans et sur la poursuite d’exploitation des autres jusqu’à 60 ans. Ce scénario, qui s’appuie sur des hypothèses structu‑ rantes de durée de fonctionnement non justifiées à ce stade en matière de sûreté, présente, en outre, le risque d’engager le système électrique dans une impasse dans le cas où le nombre de réacteurs aptes à fonctionner jusqu’à, ou au‑delà, de 60 ans serait insuff isant et ne serait connu que tardivement. Par ailleurs, la mise à l’arrêt en quelques années d’un nombre conséquent de réacteurs construits dans une courte période de temps dans les années 80 présenterait un risque «d’ef‑ fet falaise» sur les capacités de production électrique. L’ASN estime que les choix de politique énergétique à l’horizon 2050 doivent être fondés sur des hypothèses robustes et justifiées en matière de sûreté. Le choix d’une exploitation du parc nucléaire actuel au‑delà de 50 ans et jusqu’à 60 ans devrait prévoir une étape de justif ication de cette perspective, avec des marges suffisantes pour pouvoir faire face à des aléas importants ou génériques. En tout état de cause, si l’hypothèse d’une poursuite de fonctionnement de certains réacteurs au‑delà de 60 ans était une option envisagée, elle devrait impli‑ quer une instruction par anticipation af in de dispo‑ ser d’un délai suffisant, d’au moins 15 ans, pour pouvoir ajuster les choix de politique énergétique au regard de ses conclusions, et ne pas conduire, faute d’anticipa‑ tion, à ce que la poursuite de fonctionnement des réac‑ teurs nucléaires résulte d’une décision subie au regard des besoins électriques ou hasardeuse en matière de sûreté. Une forte mobilisation d’EDF qui doit se poursuivre en vue de la mise en service du réacteur EPR de Flamanville Les activités relatives à la réparation des soudures des circuits secondaires (tuyauteries d’évacuation de la vapeur et d’alimentation en eau des générateurs de vapeur) de l’EPR de Flamanville ont fait l’objet d’une mobilisation importante d’EDF. En effet, du fait des écarts constatés, une centaine de soudures des circuits secondaires nécessitaient des réparations. EDF a réalisé des maquettes spécifiques et des essais pour qualifier les procédés de réparation. L’ASN a exercé une surveil‑ lance renforcée de ces chantiers afin de s’assurer de la qualité des nouvelles soudures. La réparation des sou‑ dures des circuits secondaires se poursuivra, selon le calendrier d’EDF, jusqu’en août 2022. D’autres travaux pour corriger les écarts restent à réaliser avant la mise en service, notamment ceux liés aux piquages set‑in du circuit primaire. Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2021 5 ÉDITORIAL DU COLLÈGE

Par ailleurs, en amont de l’autorisation de mise en ser‑ vice du réacteur, un travail important reste encore à mener sur de nombreuses thématiques présentant des enjeux de sûreté importants et identifiées depuis plu‑ sieurs années. En particulier, EDF doit réaliser de nom‑ breuses analyses, incluant des essais, afin de justifier la conception de certains équipements, notamment la fia‑ bilité des soupapes du pressuriseur et la performance de la filtration de l’eau réinjectée depuis le fond du bâti‑ ment réacteur en situation d’accident. Cela pourrait dans certains cas nécessiter des modifications à mettre en œuvre en amont de la mise en service. EDF doit aussi achever le programme d’essais requis en vue de la mise en service du réacteur et le compléter pour procéder à la requalification de l’installation après les modifications et les réparations. Enf in, l’ASN est attentive à la prise en compte, par EDF, du retour d’expérience acquis sur les EPR mis en service en Finlande et en Chine. En particulier, en sus du dialogue technique approfondi engagé avec EDF, les anomalies sur les combustibles et notam‑ ment celles affectant le cœur du réacteur de Taishan font l’objet d’échanges d’expérience entre l’ASN et son homologue chinoise. Une gestion des déchets et des matières qui doit, plus que jamais, être exemplaire À la suite du débat public de 2019, un projet de PNGMDR couvrant la période 2021 – 2025 a été élaboré. Dans la continuité de ses avis sur chacune des filières de ges‑ tion des déchets, l’ASN a émis un avis sur ce projet. Elle considère qu’il répond globalement à l’objectif majeur : permettre que les décisions nécessaires soient prises avant son terme afin que des filières de gestion sûres soient opérationnelles, dans les 15 à 20 ans à venir, pour tous les types de déchets radioactifs. Dans le cadre du comité de suivi dont elle assure la co‑présidence, l’ASN portera une attention particulière au respect des échéances stratégiques. L’ASN souligne la concomitance d’enjeux de sûreté à court terme, liés aux dysfonctionnements constatés sur certaines installations du « cycle », et à plus long terme. La poursuite de la politique de retraitement au‑delà de 2040 n’est, à ce stade, pas déterminée par la programmation pluriannuelle de l’énergie. Quelle que soit l’option retenue, arrêt ou poursuite du retraitement des combustibles usés, la conception et l’examen des installations qui en découlent nécessitent une antici‑ pation importante. À la demande de l’ASN, le CEA et Orano ont élaboré des stratégies pour mener plusieurs projets de déman‑ tèlement, de grande envergure, sur des installations anciennes. Elles s’inscrivent dans un effort de priorisa‑ tion au regard des enjeux de sûreté. Dans cette optique, l’ASN a souligné la nécessité de prioriser la reprise des déchets et le démantèlement des installations présen‑ tant les plus forts risques pour les personnes et l’envi‑ ronnement, et de respecter les calendriers définis. La reprise et le conditionnement d’anciens déchets sont des étapes préalables, prioritaires mais complexes, car ils nécessitent des développements de techniques adaptées. Ils présentent, tout particulièrement, des risques de retards. Lorsque la faisabilité du conditionne‑ ment définitif ne peut être établie dans des délais pré‑ vus, l’ASN demande que soit développée une solution alternative, en sécurisant la reprise des déchets, indé‑ pendamment de leur conditionnement. Dans une perspective de nouveau nucléaire, l’ensemble de la filière doit être mobilisée pour mettre en œuvre, le plus rapidement possible, des solutions concrètes de gestion des situations héritées du passé. Dans le domaine médical, un niveau de radioprotection qui se maintient malgré la pandémie de Covid-19 L’exposition médicale représente toujours, en 2021, la première cause d’exposition aux rayonnements ioni‑ sants d’origine artificielle, avec cette particularité d’ap‑ porter un bénéfice pour le patient dans la mesure où la prescription de l’acte est justifiée. La justification est donc un principe fondamental de radioprotection, d’où l’importance de sa mise en œuvre et de son contrôle. Lors de l’émergence de nouvelle technique ou moda‑ lité, par exemple, la bonne collaboration entre les diffé‑ rents acteurs médicaux et institutionnels est nécessaire. Lorsqu’une crise met en tension, sur une longue durée et de manière inattendue, des structures de soin comme l’a fait la pandémie de Covid-19, la maîtrise des … 6 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2021 ÉDITORIAL DU COLLÈGE

fondamentaux de la culture de radioprotection devient le meilleur garant du haut niveau de radioprotection attendu dans le domaine médical. Dans cet objectif, les décisions et les contrôles de l’ASN visent la mise en place d’un système de management de la qualité res‑ ponsabilisant chacun, du décideur à l’acteur, et propor‑ tionné aux enjeux de radioprotection pour l’ensemble des domaines diagnostic, interventionnel et thérapeu‑ tique. Ce système doit intégrer, à terme, les modalités de conduite des audits externes par les pairs et, pour la radiothérapie, en cas d’utilisation d’une nouvelle tech‑ nologie ou d’un nouveau type de pratique, le recueil et l’analyse des informations concernant les bénéfices attendus pour le patient et les risques associés. L’ASN insiste sur l’importance de la démarche de retour d’ex‑ périence des événements indésirables (événements signif icatifs de radioprotection – ESR), qui enrichit l’étude des risques a priori et contribue à l’amélioration continue de la sécurité des pratiques en recherchant les causes profondes des ESR, quelle que soit leur origine (matérielles, humaines, organisationnelles, etc.). Face à la technicité croissante dans un domaine où les innovations sont importantes et rapides, le respect du principe d’optimisation en radioprotection constitue une préoccupation majeure. L’ASN rappelle l’impor‑ tance de l’anticipation des changements et du res‑ pect de la courbe d’apprentissage lors de l’arrivée de nouveau matériel ou la mise en œuvre de nouvelles techniques. Par ailleurs, en médecine nucléaire théra‑ peutique, l’essor de la radiothérapie interne vectorisée nécessite d’anticiper l’arrivée de nouvelles molécules et l’augmentation du nombre de patients traités. Une préparation à la gestion post‑accidentelle qui s’appuie sur des démarches innovantes et partenariales Les travaux menés en 2021 par le Comité directeur pour la gestion de la phase post‑accidentelle (Codirpa), dans le cadre du mandat adressé par le Premier ministre du 18 juin 2020 à l’ASN, ont permis plusieurs avancées concrètes, fondées sur une écoute et une association des acteurs concernés. Les « questions‑réponses pour les professionnels de santé» relatives aux conséquences d’un tel accident ont été préparées, au niveau territorial et national, avec les professionnels de santé, identifiés comme des tiers de confiance en cas de crise. Cette méthode assure la per‑ tinence des questions traitées, la qualité des réponses apportées et favorise une bonne appropriation. Dans la même logique, l’élaboration de consignes rela‑ tives à l’alimentation en situation post‑accidentelle s’est appuyée sur les travaux d’un groupe pluraliste d’experts, puis une mise en débat auprès de quatre panels citoyens à proximité de centrales nucléaires. Il s’agit d’une première pour tester la compréhension des sujets, la pertinence des pistes de travail, et recueillir les avis de populations concernées. Enfin, la réflexion menée sur l’information et la sensibi‑ lisation nécessaires pour renforcer la culture de sécu‑ rité et de radioprotection a été menée par public cible. Compte tenu de la richesse des actions déjà engagées, un état des lieux des bonnes pratiques sera le socle du rapport du Codirpa. Il permettra d’identifier comment mobiliser les différents acteurs pour mettre en œuvre les actions les plus efficaces dans chaque territoire. Ces démarches partenariales permettent d’éclairer la décision et de s’inscrire dans une approche pragma‑ tique du développement, indispensable, de la culture de sécurité et de radioprotection. Les recommandations du Codirpa au Premier ministre s’appuieront sur l’en‑ semble de ces travaux d’écoute et d’expertise. n Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2021 7 ÉDITORIAL DU COLLÈGE

Par‑delà les cycles de grâce et de disgrâce du nucléaire et les prises de position sur le trop ou le trop peu de sûreté, l’ASN a toujours cherché, sans dévier de prin‑ cipes fondamentaux, à adapter aux enjeux du moment le contrôle qu’elle exerce. Permanence de principes fondamentaux, parce qu’ils correspondent à des convictions sur la manière d’exer‑ cer le contrôle et parce que le nucléaire, domaine du temps long, requiert un cadre stable : le stop and go et le manque de visibilité ne jouent pas en faveur de la sûreté. Adaptation, parce que les installations, les exploitants et le tissu de sous‑traitants évoluent, sur les plans tech‑ nique, humain, financier, industriel. Ainsi, en 2017, l’ASN avait défini un plan stratégique pour exercer le contrôle le plus eff icace possible dans un contexte où l’indus‑ trie nucléaire devait faire face à des investissements colossaux, alors que les exploitants nucléaires étaient confrontés à des difficultés budgétaires ou financières. Cinq ans plus tard, alors que l’ASN élabore un nouveau plan stratégique, quelles sont les évolutions accom‑ plies en matière de contrôle ? Quels sont les enjeux nouveaux? L’ASN a conforté les principes fondamentaux de son contrôle Un contrôle plus responsabilisant La conviction de l’ASN a toujours été qu’un bon niveau de sûreté nucléaire et de radioprotection ne peut être atteint que si les exploitants nucléaires La dernière décennie a été marquée par les suites de l’accident de Fukushima et les difficultés de l’industrie nucléaire française. Au cours de cette période, les parties prenantes appelaient à renforcer la sûreté et les contrôles. Aujourd’hui, c’est la sécurité d’approvisionnement électrique qui est le centre de toutes les attentions, suscitant des questions relatives au coût de la sûreté ou au caractère potentiellement excessif de la réglementation. Montrouge, le 1er mars 2022 Un contrôle responsable, alliant constance et adaptation assument pleinement leur responsabilité première en la matière. L’action de l’ASN vise à ce qu’ils l’assu‑ ment effectivement. Pour se prononcer sur le redémarrage des réacteurs nucléaires à l’issue des arrêts pour maintenance, l’ASN examinait de nombreux documents par lesquels EDF justifiait le maintien en l’état de matériels, malgré des écarts constatés. L’ASN a fait évoluer ces dernières années le contrôle des arrêts de réacteurs en rempla‑ çant cet examen systématique de documents par des contrôles ciblés sur site, tandis que, parallèlement, EDF a mis la priorité sur la résorption au plus tôt des écarts plutôt que sur la justif ication de leur caractère accep‑ table. Cette démarche illustre une posture de l’exploi‑ tant plus responsable avec un contrôle par l’ASN qui l’y incite, au bénéfice de la sûreté. Un contrôle plus proportionné aux enjeux Le principe internationalement reconnu de propor‑ tionnalité des moyens aux enjeux veut que les exploi‑ tants et les professionnels focalisent leurs moyens, par essence finis, sur les sujets à plus forts enjeux de sûreté nucléaire ou de radioprotection. La mise en applica‑ tion de ce principe est une préoccupation permanente, dans la mesure où l’ASN oriente l’allocation des moyens des exploitants par les demandes qu’elle formule ou les questions qu’elle pose. L’ASN a accentué ses efforts en faveur d’une «approche graduée» du contrôle. Ainsi, dans le nucléaire de proxi‑ mité, la refonte des régimes administratifs opérée ces dernières années a permis d’alléger les dossiers ÉDITORIAL DU DIRECTEUR GÉNÉRAL 8 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2021

L’ASN a toujours cherché, sans dévier de principes fondamentaux, à adapter aux enjeux du moment le contrôle qu’elle exerce. demandés et les instructions réalisées pour les activi‑ tés à plus faibles enjeux de radioprotection. De même, l’ASN a recentré ses inspections sur les activités à plus forts enjeux. Cette nécessaire proportion aux enjeux n’est pas tou‑ jours comprise sur les grosses installations nucléaires, tout sujet touchant une centrale nucléaire pouvant être perçu comme important : cela crée parfois des déca‑ lages entre enjeux réels et traitement médiatique. Pourtant, le réalisme et le pragmatisme commandent, dans l’intérêt de la sûreté, que l’approche proportion‑ née continue de prévaloir, et qu’elle soit même confor‑ tée ces prochaines années. Un renforcement du dialogue technique Contrairement aux idées reçues, la réglementation française en matière de sûreté nucléaire est peu volu‑ mineuse, et centrée sur des objectifs à atteindre : elle comporte peu de prescriptions de moyens. Elle pré‑ sente l’avantage de permettre à chaque exploitant de déf inir les dispositions les plus adaptées, et de ne pas faire obstacle aux innovations. Ce n’est donc pas tant sur la réglementation, mais sur un dialogue technique approfondi entre l’exploitant et l’ASN, épaulée par ses Groupes permanents d’experts et par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), que repose la sûreté nucléaire. L’ASN a déployé, entre 2018 et 2022, un plan de renforcement du pilo‑ tage des instructions techniques et de son implication dans ce dialogue, qui permet de mettre les considéra‑ tions techniques au centre des décisions. Pourtant, force est de constater qu’au f il des années, la manière dont la réglementation est déclinée s’est complexif iée, de même que le dialogue technique a pu conduire à une multiplication des règles internes rédigées par les exploitants, à tel point qu’elles en deviennent difficilement applicables voire perdent de leur sens pour les agents sur le terrain. Un des défis des prochaines années sera de parvenir à maîtriser l’infla‑ tion du nombre de règles. Une participation des publics à l’élaboration des décisions L’association des publics aux processus d’élaboration des décisions ouvre un espace d’échange, non seule‑ ment sur les objectifs de protection visés mais égale‑ ment sur les modalités de leur déclinaison technique par l’exploitant. Cette implication doit améliorer dans la durée la compréhension des enjeux, accroître la conf iance dans le processus décisionnel et, autant que possible, l’enrichir en permettant de bien cerner les questions jugées prioritaires par les parties pre‑ nantes et d’y apporter des réponses. L’ASN a ainsi mis en œuvre, en lien avec l’IRSN, des sessions d’échanges techniques et de concertation sur des sujets majeurs tels que les quatrièmes réexamens de sûreté des réac‑ teurs nucléaires ou bien encore sur le projet de densi‑ f ication des piscines d’entreposage de combustibles usés à La Hague. Olivier GUPTA Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2021 9 ÉDITORIAL DU DIRECTEUR GÉNÉRAL

L’ASN a mis en place de nouveaux dispositifs de contrôle Le retour d’expérience de l’affaire du Creusot À la suite de la découverte, à partir de 2016, d’irrégula‑ rités dans les dossiers de fabrication (parfois anciens) de certaines pièces de réacteurs nucléaires à l’usine Framatome du Creusot, l’ASN a, comme elle s’y était engagée auprès des parlementaires, mis en place un dispositif de prévention, de détection et de traite‑ ment des fraudes et falsif ications : création d’un for‑ mulaire en ligne pour faciliter les signalements par les lanceurs d’alerte ; mise en place d’une cellule d’analyse systématique de ces signalements, donnant lieu à des investigations chaque fois que nécessaire ; réalisation d’inspections ciblées sur les fraudes, avec une métho‑ dologie d’investigation spécifique permettant le recou‑ pement d’informations. Le contrôle de la sécurité des sources radioactives Une ordonnance de 2016 a conf ié à l’ASN le contrôle de la protection contre les actes de malveillance des sources radioactives utilisées hors des installations sui‑ vies par d’autres autorités. Un arrêté, paru en 2019, défi‑ nit les dispositions à respecter par les détenteurs de sources et sert de cadre pour les vérif ications en ins‑ pections. L’ASN a donc pu, sur cette base, intégrer le contrôle de la sécurité des sources dans les inspections qu’elle réalise dans les activités nucléaires de proximité. Ce contrôle se fait dans le respect des règles relatives à la protection du secret des informations sensibles. Le contrôle des projets complexes L’ASN a souhaité revoir le contrôle qu’elle exerce sur les projets de démantèlement et de reprise des déchets anciens, qui sont l’objet de retards récurrents de la part des exploitants, en partie du fait de leur com‑ plexité et de la nécessité d’adapter les opérations au fur et à mesure de ce qui est découvert. Plutôt que de renforcer le niveau de détail technique des contrôles, l’ASN, s’inspirant de ce qui est pratiqué par son homo‑ logue britannique, a développé une méthodologie de contrôle de ces projets, visant à identif ier de manière anticipée les potentielles dérives, et de pousser les exploitants à prendre à temps les mesures correctives. Des inspections en ce sens ont ainsi été menées chez Orano et chez EDF. Elles seront étendues prochaine‑ ment aux projets gérés par le CEA et l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). L’ASN a fait évoluer son fonctionnement interne Un renforcement des compétences L’ASN constate qu’elle est conf rontée, année après année, à des sujets de plus en plus complexes. Il peut s’agir de l’analyse de phénomènes physiques non pré‑ vus à la conception, ou de l’utilisation par les exploitants de calculs de plus en plus sophistiqués pour prouver la sûreté de leurs installations. Il peut s’agir, dans un registre très différent, de la capacité de contrôle par l’ASN de la chaine de fournisseurs. Ces enjeux nécessitent des compétences spécif iques longues à acquérir, ainsi qu’un accroissement de l’expé‑ rience cumulée du personnel de l’ASN dans le domaine des risques et du nucléaire. L’ASN a ainsi développé ces dernières années les parcours de carrière en son sein, de façon à disposer de personnels ayant travaillé un nombre plus importants d’années dans le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Elle s’at‑ tache également, au‑delà de la question du nombre, à recruter des agents plus expérimentés qu’auparavant, sur des postes dits « seniors ». Ces démarches devront être poursuivies. Une transformation numérique bien avancée L’ASN a lancé, dès 2017, un ambitieux programme de transformation numérique. Elle a remporté plusieurs appels à projet de la Direction du numérique de l’État qui lui ont permis de bénéf icier d’un accompagne‑ ment pour développer le traitement des données : par exemple, un outil d’exploration de données dans les plus de 26000 lettres de suite permet désormais de mettre en rapport des constats faits en inspection sur un même thème, et de dégager des signaux faibles jusqu’ici difficilement repérables. La transformation numérique vise aussi à simplifier les démarches pour les assujettis : l’ASN a ainsi développé un portail de téléservices pour faciliter le dépôt des dossiers de déclaration ou d’enregistrement des activi‑ tés nucléaires de proximité. … 10 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2021 ÉDITORIAL DU DIRECTEUR GÉNÉRAL

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