La sûreté nucléaire et la radioprotection en France en 2010

Publié le 29/03/2011

Tous publics

L’année 2010 a été, sur le plan de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, assez satisfaisante.

Toutefois, dans le domaine des installations nucléaires, l’ASN considère qu’EDF doit mieux anticiper un certain nombre d’actions de maintenance et de remplacement de composants. De telles décisions trop tardives ont pu conduire EDF à présenter à l’ASN des dossiers pour justifier un maintien en fonctionnement en mode dégradé. Ces dossiers n’ont pu être jugés acceptables par l’ASN en termes de sûreté. Ce mode de gestion n’est ni efficace ni optimisé tant pour l’ASN, du point de vue de la sûreté et de la mobilisation de ses moyens, que pour EDF. Par exemple, le remplacement tardif des générateurs de vapeur du réacteur 3 de la centrale nucléaire du Bugey, après la découverte d’une corrosion importante sur l’un d’entre eux, a conduit à un arrêt du réacteur pendant 20 mois. Par ailleurs, la publication de la deuxième édition du Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR 2010-2012) constitue un fait marquant de 2010. Le projet de directive européenne sur la gestion des déchets et du combustible usé, qui vient d’être proposé par la Commission européenne, reprend l’élaboration d’un tel plan comme l’une de ses exigences fondamentales. Dans le domaine du nucléaire de proximité, les progrès enregistrés en 2009 en radiothérapie en matière de sécurité des patients se confirment grâce au renforcement des effectifs de Personnes spécialisées en radiophysique médicale (PSRPM) dans le cadre du plan cancer II et grâce à une mise en œuvre progressive des procédures de management de la qualité visant à améliorer la sécurité des soins. Toutefois, l’ASN doit continuer à suivre plus particulièrement un certain nombre de centres, notamment lorsque le manque d’effectifs en PSRPM est couvert par le recours à des prestations externes ou par la mise en place de collaborations intercentres. La radiologie interven­tionnelle, c’est-à-dire la radiologie qui permet au médecin de guider son geste, notamment dans les domaines de la cardiologie, de la neurologie ou de la chirurgie est un sujet de préoccupation pour l’ASN. Des doses élevées peuvent en effet être délivrées aux patients et la radioprotection du personnel n’est pas toujours correctement assurée, notamment lorsque les actes sont réalisés au bloc opératoire. Enfin, on peut noter globalement que les relations que l’ASN entretient avec un certain nombre de sociétés savantes du secteur médical se situent dans un climat constructif révélateur du degré de maturité qu’elles ont atteint. À l’issue des inspections qu’elle mène, l’ASN adresse une lettre de suite à l’exploitant ou au responsable d’activité contrôlé, présentant la synthèse des principaux constats effectués et un certain nombre de demandes d’actions correctives. Après le secteur des installations nucléaires de base (INB) en 2002, puis les services de radiothérapie en 2008, l’extension du champ de la publication des lettres de suite s’est poursuivie en 2010 à l’ensemble des inspections que l’ASN réalise.

Pour les années à venir, le collège de l’ASN relève un certain nombre d’enjeux tant au niveau national qu’à l’échelle internationale.

Enjeux nationaux

Contrôle des réacteurs électronucléairesLa loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (TSN) impose un réexamen de sûreté des installations nucléaires tous les dix ans. Les réacteurs du palier 900 MWe d’EDF atteignent trente ans de fonctionnement. L’ASN a formulé en juillet 2009, sur la base de l’expertise que l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) réalise pour son compte, un avis favorable sur les aspects génériques de la poursuite d’exploitation des réacteurs de 900 MWe au-delà de cette échéance, sous réserve des résultats de la visite décennale effectuée sur chacun des réacteurs. L’ASN a rendu un premier avis, favorable, sur le réacteur Tricastin 1. Le processus va se poursuivre en 2011 et les années suivantes pour les 33 autres réacteurs de 900 MWe ; l’ASN prendra ainsi position réacteur par réacteur. EDF a par ailleurs exprimé la volonté de poursuivre l’exploitation de ses réacteurs au-delà de quarante ans. Pour l’ASN, ce sujet, comme celui des réexamens de sûreté, revêt deux aspects : d’une part, la conformité des réacteurs au cadre réglementaire qui leur est applicable doit être garantie et, d’autre part, la réévaluation de sûreté doit être conduite au regard des objectifs de sûreté applicables aux nouveaux réacteurs, tels EPR. Cette démarche est cohérente avec celle adoptée au niveau européen par l’association WENRA (Western European Nuclear Regulators’ Association). L’ASN attend des éléments de démonstration et de justification de la part d’EDF. L’ASN partagera ce sujet majeur avec ses homologues étrangères. Contrôle de la gestion des déchets radioactifsConcernant l’aval du cycle du combustible, l’ASN est attachée à ce que l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) joue pleinement l’un des rôles qui lui sont confiés par la loi : la conception, l’implantation et l’exploitation des stockages de déchets radioactifs, dans le cadre des prescriptions du PNGMDR. Pour le stockage des déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue (HA-MA-VL), la loi prévoit que l’ANDRA dépose le dossier de demande d’autorisation de création du stockage géologique au plus tard fin 2014 et que ce dépôt soit précédé d’un débat public. L’ASN poursuit, en s’appuyant sur l’expertise de l’IRSN, l’instruction des dossiers déposés par l’ANDRA sur les options de conception, de sûreté opérationnelle et à long terme, ainsi que sur la réversibilité. Il est important que la réversibilité ne compromette la sûreté du stockage ni pendant son exploitation ni après sa fermeture. L’ASN partagera ce sujet nouveau avec ses homologues étrangères. Par ailleurs, l’ASN, préoccupée par l’absence de stockage des déchets de faible activité à vie longue (FA-VL), suivra avec attention le développement de cette filière.Cadre réglementaireLe cadre réglementaire dans lequel les INB sont conçues, exploitées et démantelées, a été profondément rénové, en particulier par la loi TSN et ses décrets d’application. L’élaboration de la réglementation technique des installations nucléaires, dans le cadre d’un large processus de consultation des différentes parties prenantes, a bien progressé. Ce travail devrait déboucher en 2011 sur la publication d’un arrêté et d’une quinzaine de décisions de l’ASN. Ainsi, la directive européenne sur la sûreté des installations nucléaires sera transposée en droit français et les niveaux de référence pour les réacteurs en exploitation définis par l’association WENRA seront introduits dans la réglementation nationale. Contrôle dans le secteur médicalDans le domaine du nucléaire de proximité, l’objectif est de progresser, avec les sociétés savantes et les organisations professionnelles, sur des sujets préoccupant l’ASN car présentant des enjeux en termes de radioprotection des travailleurs et des patients. Dans le domaine médical, il s’agit notamment de continuer à améliorer la sécurité des soins en radiothérapie, de poursuivre l’effort de formation et de recrutement des PSRPM pour couvrir les besoins en imagerie médicale et de développer les actions de formation et d’information dans les domaines de la radiologie interventionnelle. L’augmentation des doses en imagerie médicale, et plus particulièrement du fait du scanner, constitue un souci majeur pour l’ASN. Il s’agit d’un enjeu qui dépasse le cadre national puisque les appareils utilisés en imagerie médicale sont construits par des industriels internationaux. L’ASN entamera des travaux sur ce sujet avec ses homologues étrangères. Pour une application effective du principe de justification des examens, elle interviendra auprès des Agences régionales de santé (ARS) pour permettre le développement du parc d’installations d’imagerie par résonnance magnétique (IRM) et, en concertation avec la Haute Autorité de santé (HAS) et la Société française de radiologie (SFR), elle favorisera la mise au point d’outils d’aide à la décision pour les médecins prescripteurs. L’ASN veille à l’avancement des travaux de recherche qui devraient permettre la mise au point de tests de radiosensibilité individuelle. Les travaux en cours les plus pertinents s’appuient sur la détection de gènes dont l’activité est anormale sous irradiation. Ils confirment l’existence du phénomène de radiosensibilité individuelle et son importance en radiothérapie.Contrôle de la sécurité des sourcesLe Gouvernement a décidé de confier à l’ASN la mission de contrôle de la sécurité des sources radioactives, c’est-à-dire du contrôle de la prévention et de la lutte contre les actes de malveillance concernant ces sources. L’ASN a donné son accord pour remplir cette mission sous réserve de recevoir les moyens nécessaires et de pouvoir appliquer ses règles de transparence pour informer le public. L’accomplissement de cette mission sera réalisé en fonction de la disponibilité de ces moyens, par étapes et, le cas échéant, au prix d’une redéfinition de priorités d’action de l’ASN en matière de contrôle.

Enjeux internationaux

L’harmonisation de la sûreté nucléaire et de la radioprotection à l’échelle internationale a toujours été au cœur des préoccupations de l’ASN. C’est pour cela que le collège a pris publiquement position en 2010 sur le niveau de sûreté des nouveaux réacteurs construits dans le monde. Il a rappelé que les objectifs de sûreté des nouveaux réacteurs doivent prendre en compte les leçons tirées de l’accident de Three Mile Island en 1979, de la catastrophe de Tchernobyl en 1986 et des attentats du 11 septembre 2001, en cohérence avec les objectifs que l’association WENRA vient d’adopter. Il a également précisé qu’il ne voulait pas d’une sûreté à deux vitesses et que, face à des projets d’exportation de réacteurs ne répondant pas à ces objectifs de sûreté, l’ASN n’hésiterait pas à dire que de tels réacteurs ne pourraient pas être construits en France. L’ASN est de plus en plus sollicitée pour apporter son aide à des pays qui disposent déjà de réacteurs ou souhaitent engager un programme nucléaire. L’ASN collabore de façon bilatérale et multilatérale avec de nombreuses Autorités de sûreté étrangères. Elle est prête à répondre aux demandes nouvelles mais aura à fixer des priorités tenant compte de la pertinence des demandes et des effectifs disponibles. Après l’adoption de la directive européenne sur la sûreté nucléaire du 25 juin 2009, la construction d’un pôle européen de la sûreté nucléaire et de la radioprotection progresse avec le projet de directive sur la gestion des déchets et du combustible usé. Cette directive permettra de compléter le cadre réglementaire européen de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. L’ASN considère que cette proposition de directive constitue une avancée appréciable. Elle poursuivra son implication active dans ce projet. L’ASN souhaite que les objectifs de sûreté récemment adoptés par WENRA fassent l’objet d’une approbation politique au niveau européen. Par ailleurs, l’ensemble des régulateurs européens tiendra en juin 2011 la première conférence européenne sur la sûreté nucléaire, analogue à la conférence sur la sûreté nucléaire organisée chaque année par l’Autorité de sûreté américaine. Dans le domaine de la radioprotection, la Commission devrait déposer début 2011 un projet de directive relatif à la révision des normes de base en ligne avec les recommandations de la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) et de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). L’ASN a fait connaître au Gouvernement son avis sur le projet diffusé par la Commission en 2010. L’association des responsables des Autorités européennes de contrôle de la radioprotection (HERCA) a vocation à jouer un rôle analogue à celui de WENRA dans le domaine de la sûreté nucléaire. Elle travaille notamment sur le passeport dosimétrique européen pour les travailleurs transfrontaliers et a engagé une action vis-à-vis des constructeurs de scanners.

Des conclusions se dégagent au terme de quatre années d’existence de l’ASN en tant qu’autorité administrative indépendante.

En raison de l’élargissement des missions des acteurs du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et de l’augmentation du nombre de dossiers traités, et compte tenu d’un contexte budgétaire tendu, il est nécessaire de repenser le mode de financement du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en termes à la fois d’origine et de gestion du financement. Un premier pas a été fait dans ce sens par l’instauration par la loi d’une contribution obligatoire des industriels au financement de l’expertise de l’IRSN. Il serait souhaitable que ce mécanisme soit étendu à l’ensemble du financement du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France. Cette évolution pourrait conduire également à la création d’un programme budgétaire « contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection » assurant à l’ensemble du dispositif une lisibilité conforme à la loi TSN. Par ailleurs, indépendance ne signifie pas isolement. L’ASN rend compte de son action, notamment en présentant ce rapport à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), en participant aux auditions organisées par les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat et en répondant aux enquêtes des parlementaires. Pour l’ASN, indépendance et transparence vont de pair. Être indépendant crée l’obligation de rendre compte, d’informer et de communiquer. C’est dans cet esprit que le collège a pris publiquement position dans le débat « pas de sûreté à deux vitesses » et qu’il continuera à le faire sur des sujets majeurs, de façon légitime et responsable, pour faire progresser la sûreté nucléaire et la radioprotection en France et dans le monde. C’est grâce à la compétence et à l’engagement de son personnel et en s’appuyant sur l’expertise de l’IRSN que l’ASN peut ambitionner de remplir sa mission avec rigueur et efficacité.

Date de la dernière mise à jour : 03/09/2021