Les actions de l’ASN pour le contrôle du chantier de construction du réacteur EPR de Flamanville : les points marquants de l’année 2018 et du début de l’année 2019

Publié le 09/05/2019 à 17:30

Note d'information

L’ASN a poursuivi ses actions de contrôle du chantier de construction du réacteur EPR de Flamanville 3 et des différentes fabrications lui étant destinées. Les points marquants de l’année 2018 et du début de l’année 2019 sont détaillés ci-après ; l’ASN a été particulièrement vigilante au traitement des écarts détectés sur les soudures des circuits secondaires principaux et à la poursuite des essais de démarrage du réacteur.

Écarts détectés lors de la réalisation et du contrôle des soudures des circuits secondaires principaux

L’ASN a été informée par EDF au début de l’année 2017 d’écarts survenus lors du soudage des tuyauteries principales d’évacuation de la vapeur (circuit VVP) du réacteur EPR de Flamanville. Ces tuyauteries sont concernées par une démarche dite « d’exclusion de rupture », qui implique un renforcement des exigences de conception, de fabrication et de suivi en service suffisant pour considérer que la rupture de ces tuyauteries est extrêmement improbable avec un haut degré de confiance. A ce titre, les conséquences d’une rupture de ces tuyauteries ne sont pas étudiées dans la démonstration de sûreté nucléaire de l’installation. 

Afin d’atteindre la haute qualité de fabrication attendue, des exigences renforcées portant notamment sur les propriétés mécaniques ont été définies par l’exploitant (EDF) et le fabricant (Framatome). Or, ces exigences renforcées n’ont pas été spécifiées au sous-traitant en charge de la réalisation des soudures. Les contrôles menés lors de la fabrication ont montré que le haut niveau de qualité découlant de ces exigences n’a pas été atteint pour certaines soudures.

Par ailleurs, en mars 2018, EDF a identifié plusieurs défauts de réalisation lors d’opérations de contrôle réalisées dans le cadre de la visite complète avant mise en service de ces tuyauteries prévue par la réglementation. Ces défauts auraient dû être détectés par le fabricant en fin de fabrication. Ce constat a conduit EDF à mettre en œuvre un nouveau programme de contrôle de l’ensemble des soudures des circuits secondaires principaux, dont font partie les tuyauteries VVP. Ces nouveaux examens réalisés par EDF sous le contrôle de l’ASN ont mis en évidence des défauts qui nécessitent une réparation.

L’ensemble de ces écarts ainsi que les constats réalisés par l’ASN lors de ses inspections ont mis en évidence un manque de maîtrise des opérations de soudage réalisées sur les tuyauteries VVP et une défaillance de la surveillance d’EDF sur ses prestataires.

En juillet 2018, EDF s’est engagée à remettre à niveau les soudures concernées par les écarts identifiés, à l’exception des huit soudures situées entre les deux enceintes du bâtiment réacteur, qui sont plus difficiles d’accès. L’une de ces huit soudures présente par ailleurs un défaut de fabrication, qu’EDF a proposé de maintenir en l’état.

EDF a transmis à l’ASN, en décembre 2018, un dossier visant à justifier que la qualité de ces huit soudures est suffisante et permet d’exclure leur rupture avec un haut niveau de confiance. Cette démonstration repose notamment sur une caractérisation approfondie du matériau des soudures.

L’instruction du dossier d’EDF menée par l’ASN avec l’appui de l’IRSN, s’est poursuivie en 2019 avec la consultation du GP EPSN le 9 et 10 avril 2019, qui a considéré qu’EDF devait réparer ces huit soudures, ou renoncer à sa démarche d’exclusion de rupture les concernant en apportant des modifications au réacteur nécessaires en tenant de telles ruptures dans sa démonstration de sûreté.

Par ailleurs le constat de défaillance de la surveillance réalisée par EDF sur ses prestataires a conduit l’ASN à demander à EDF d’effectuer une revue de la qualité des matériels du réacteur EPR de Flamanville appliquée à un périmètre plus large d’équipements et de sous-traitants, en adaptant la profondeur de l’analyse en fonction des enjeux.

Autorisation de mise en service et d’utilisation de la cuve du réacteur EPR de Flamanville

Framatome a mis en évidence fin 2014 une anomalie de la composition chimique de l’acier du couvercle et du fond de la cuve du réacteur EPR de Flamanville, pouvant réduire sa capacité à résister à la propagation d’une fissure. Framatome a lancé, en lien avec EDF, un programme d’essais afin de justifier que la résistance mécanique de l’acier est suffisante dans toutes les situations de fonctionnement, y compris accidentelles. Framatome a transmis ses conclusions techniques à l’ASN en décembre 2016.

L’ASN a rendu son avis le 10 octobre 2017 sur cette anomalie. Cet avis de l’ASN s’appuie sur l’analyse, par la direction des équipements sous pression nucléaires de l’ASN et par son appui technique, l’IRSN, des dossiers transmis par Framatome et des éléments techniques complémentaires fournis par EDF, sur les avis de son groupe permanent d’experts pour les équipements sous pression nucléaires et du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques, ainsi que sur les observations recueillies lors de la consultation du public que l’ASN a ouverte du 10 juillet au 12 septembre 2017 sur son site Internet. L’ASN considère que cette anomalie n’est pas, sous certaines réserves, de nature à remettre en cause la mise en service de la cuve.

La mise en service et l’utilisation de la cuve du réacteur EPR de Flamanville étant par ailleurs soumise à une autorisation de l’ASN, au regard notamment du respect des autres exigences applicables à l’ensemble de la cuve, Framatome a déposé le 13 juillet 2018 une demande en ce sens, qui a été complétée à la suite des demandes de l’ASN. L’ASN a instruit cette demande, en s’appuyant sur les conclusions de son avis de 2017 et a, en outre, vérifié le respect des exigences techniques et réglementaires autres que celles relatives à la composition chimique de l’acier du couvercle et du fond de la cuve.

Sur la base des conclusions de cette instruction, et après analyse des observations du public recueillies en septembre 2018 lors de la consultation du public, l’ASN a autorisé la mise en service et l’utilisation de la cuve du réacteur EPR de Flamanville le 9 octobre 2018, sous réserve de la réalisation d’un programme d’essais de suivi du vieillissement thermique et de contrôles spécifiques lors de l’exploitation de l’installation. La faisabilité de ces derniers contrôles n’étant pas acquise pour le couvercle en l’état actuel des connaissances, l’ASN a limité à fin 2024 l’utilisation du couvercle actuel.

Contrôle des essais de démarrage du réacteur EPR de Flamanville 3

L’ASN a poursuivi son contrôle de la préparation et de la réalisation des essais de démarrage du réacteur EPR, qui ont fait l’objet de sept inspections en 2018, dont deux réalisées de manière inopinée. Ces inspections ont notamment concerné la réalisation des « essais fonctionnels cuve ouverte » (EFCO) et la préparation des « essais à chaud » (EAC). Les inspecteurs ont particulièrement examiné la rigueur de préparation et de réalisation des essais, la documentation et le traitement des écarts détectés, la surveillance exercée sur les intervenants extérieurs ainsi que l’organisation mise en œuvre par EDF pour décider de la poursuite du programme général des essais de démarrage.

Au vu de cet examen par sondage portant sur la réalisation des essais sur le chantier et leur documentation, l’ASN considère que l’organisation relative aux essais de démarrage telle que définie et mise en œuvre sur le site est globalement satisfaisante. À la suite des demandes de l’ASN, EDF a amélioré la rigueur de la documentation d’essai et l’information de l’ASN sur le déroulement général des essais. EDF doit poursuivre ses efforts dans la rigueur de préparation et de réalisation des essais de démarrage, en améliorant la justification de la représentativité des essais pour lesquels des adaptations de procédures sont mises en œuvre.

Contrôle de la préparation des équipes d’EDF chargées de la future exploitation du réacteur de Flamanville 3

Dans le même temps, l’ASN contrôle la préparation des équipes chargées de la future exploitation du réacteur EPR de Flamanville 3. Les inspecteurs vérifient la définition et la mise en œuvre progressive des différentes organisations d’exploitation, la gestion des compétences des agents ainsi que les modalités d’élaboration de la future documentation d’exploitation afin de s’assurer que les équipes seront prêtes à exercer pleinement leurs responsabilités pour les étapes de mises en service partielles puis de mise en service du réacteur.

À ce titre, l’ASN a mené en 2018 quatre inspections dédiées à la préparation à l’exploitation de l’EPR. Au vu de cet examen par sondage, l’ASN considère que les organisations définies et mises en œuvre sur le site pour la protection de l’environnement, le suivi en service des équipements sous pression, la maîtrise du risque d’incendie et la conduite du réacteur sont satisfaisantes.

Toutefois, l’ASN considère qu’un travail conséquent, notamment en termes d’élaboration de la documentation opérationnelle d’exploitation, reste à réaliser d’ici la mise en service du réacteur pour la préparation des équipes chargées de la future exploitation du réacteur EPR de Flamanville 3. L’ASN poursuivra son contrôle dans ce domaine afin de s’assurer que les équipes chargées de la future exploitation du réacteur EPR de Flamanville 3 sont en capacité d’exercer pleinement leur responsabilité d’exploitant nucléaire lors de ces phases.

Contrôle des activités d’ingénierie de l’EPR de Flamanville

En 2018, l’ASN a réalisé, dans les services d’ingénierie d’EDF en charge des études de conception détaillées du réacteur 3 de la centrale de Flamanville, des inspections ayant pour thème la qualification des équipements, la gestion des écarts et les modifications qui seront mises en œuvre après la mise en service de l’installation.

L’inspection réalisée le 5 décembre 2018, relative à la qualification des matériels, a mis en évidence des lacunes dans le traitement et la levée des réserves de qualification identifiées par EDF et ses fournisseurs. Ces lacunes, déjà constatées lors d’une inspection précédente, ont conduit l’ASN à mettre en demeure EDF de produire et de conserver les preuves de la qualification des matériels du réacteur EPR de Flamanville (cf. décision de l’ASN du 25 février 2019). EDF s’est engagée à se conformer aux dispositions de l’arrêté « INB » et ses propositions d’actions sont jugées satisfaisantes par l’ASN. L’ASN vérifiera périodiquement l’avancement du plan d’action mis en place par EDF.

Traitement des déchets historiques

Suite à la découverte en mai 2016 de déchets historiques sur la zone de chantier de l’EPR de Flamanville (voir note d’information du 4 septembre 2017 et la lettre d’info N°20), EDF a engagé une phase de diagnostic de sols et établi un dossier de gestion des sols (déchets et terres) afin de répondre aux exigences de la réglementation et du guide n° 24 de l’ASN en matière de gestion des sols pollués.

Le 19 décembre 2017, la reprise des activités d’excavation, de tri et d’élimination des déchets a été autorisée par l’ASN pour une partie de la zone de déchets. En effet, au vu des contraintes du chantier, le diagnostic de sols n’a pu être réalisé que partiellement et le dossier a été déposé afin d’établir la faisabilité du tri des déchets en vue de réutiliser les terres non polluées. Cette première phase « pilote » de traitement des déchets historiques a été réalisée durant l’année 2018. Elle a permis le traitement d’une partie de la zone et a démontré avec succès la faisabilité des techniques de tri envisagées. Lors de cette première phase, la réfection du réseau d’évacuation des eaux pluviales et la pose d’un déshuileur ont pu être également réalisées.

Comme suite au succès de cette première phase, EDF a engagé, fin 2018, une seconde campagne de diagnostic de sols afin de finaliser sa connaissance de la zone de déchets historiques. Afin de répondre aux exigences du guide 24 de l’ASN, EDF devra ensuite déposer un dossier de gestion des sols (déchets et terres) afin de finaliser le traitement de ces déchets.

Poursuite de l’instruction du dossier de demande d’autorisation de mise en service (DMES) et des dossiers de demande d’autorisation de mise en service partielle (DMESp) de Flamanville 3

L’ASN poursuit l’instruction du dossier de demande d’autorisation de mise en service déposé le 19 mars 2015. Conformément à l’article 20 du décret n°2007-1557, ce dossier contient le rapport de sûreté, les règles générales d’exploitation, une étude sur la gestion des déchets, un plan de démantèlement, un plan d’urgence interne et une mise à jour de l’étude d’impact. Ce dossier a été mis à jour le 30 juin 2017.

L’ASN a recueilli l’avis du Groupe Permanent d’experts pour les réacteurs (GPR) les 4 et 5 juillet 2018 sur le rapport de sûreté du réacteur EPR de Flamanville. Cette réunion a été notamment consacrée aux réponses apportées aux précédentes séances du GPR dédiées à ce réacteur depuis 2015. Le groupe permanent considère que la démonstration de sûreté du réacteur est globalement satisfaisante et souligne que quelques compléments sont attendus concernant la prise en compte du risque d’incendie et le comportement des crayons de combustible ayant subi une crise d’ébullition. Le GPR considère également que la conception et le dimensionnement des systèmes de sauvegarde et des systèmes auxiliaires de sûreté sont globalement satisfaisants et note que des compléments devront être apportés concernant les brèches susceptibles d’affecter le système de refroidissement de la piscine d’entreposage du combustible.

L’ASN mène également en parallèle l’instruction de la demande d’autorisation de mise en service partielle relative à la réception des assemblages combustibles.

Enfin, l’ASN a autorisé, par décision du 26 juillet 2018, l’introduction de vapeur contenant du tritium dans certains circuits du réacteur EPR de Flamanville pour la préparation et la réalisation des essais à chaud. Cette autorisation nécessitait l’entrée en vigueur des nouvelles décisions réglementant les prélèvements et la consommation d’eau, les rejets d’effluents et la surveillance de l'environnement du site de Flamanville. L’entrée en vigueur de ces décisions est intervenue le 7 octobre 2018.

Pour en savoir plus :

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Lettres de suite d'inspection

 

Date de la dernière mise à jour : 03/09/2021