Lettre d’information de l'EPR n°11 : les actions de l’ASN sur le contrôle du chantier de construction du réacteur EPR de Flamanville : les points marquants.

Publié le 12/09/2011 à 13:30

Communiqué de presse

Au cours du premier semestre 2011, l’ASN a poursuivi le contrôle du chantier de la construction du réacteur EPR Flamanville 3. Les points marquants de ces derniers mois sont détaillés ci-après.

Suspension temporaire de l’activité de pose des gaines de précontrainte

Depuis 2008, plusieurs inspections de l’ASN ont porté sur le système de précontrainte[1] de l’enceinte du bâtiment réacteur. Lors de la réalisation des premières levées de l’enceinte interne, EDF avait informé l’ASN de plusieurs non-conformités relatives au système de précontrainte (cf. Lettre d’information n°8).

En mai 2011, de nouvelles non-conformités de positionnement de portions de gaines de précontrainte ont été identifiées. Au-delà de ces écarts ponctuels, l’ASN a considéré que la répétition d’anomalies sur ce système mettait en lumière un manque de préparation, de compétences et de formation à la culture de sûreté des intervenants et des lacunes dans la surveillance exercée par EDF sur ses sous-traitants. De ce fait, l’ASN a demandé à EDF le 23 juin 2011 de suspendre le bétonnage de l’enceinte interne et de présenter un plan d’action permettant d’éviter tout nouvel écart de pose des gaines de précontrainte.

Les demandes de l’ASN portaient notamment sur :

  • le renforcement de la formation et la sensibilisation à la culture de sûreté des intervenants ;
  • la mise en place d’une surveillance renforcée par EDF ;
  • la réalisation d’une analyse d’impact des anomalies constatées à ce jour, prenant en compte un éventuel effet cumulatif de celles-ci.

Dans les jours suivants, EDF a présenté son plan d’action et, en particulier, les dispositions prises pour améliorer les compétences des équipes chargées de la pose des gaines de précontrainte.

Le 1er juillet 2011, considérant que les actions retenues par EDF étaient de nature à permettre le bon déroulement des activités de pose des gaines de précontrainte, l’ASN a autorisé EDF à reprendre les activités de bétonnage de l’enceinte interne. Une inspection inopinée a été réalisée le 12 juillet 2011 sur ce thème. Il ressort de cette inspection que la déclinaison du plan d’action d’EDF est à ce stade globalement satisfaisante (consulter la lettre de suite INSSN-CAE-2011-0662).

Rappel des exigences en matière de bétonnages complexes

Vue d'ensemble de la piscine du bâtiment réacteur en cours de construction (crédit : EDF)

Le 7 juillet, EDF a informé l’ASN de la découverte de nids de cailloux[2] localisés sur certains murs en béton des piscines du bâtiment réacteur. Cette information fait suite à plusieurs demandes de compléments et inspections de l’ASN quant à la méthode retenue pour le bétonnage de ces structures. Au-delà du traitement de ces écarts ponctuels, pour lesquels des réparations étaient déjà programmées, l’ASN a souhaité vérifier s’ils étaient révélateurs d’éventuelles lacunes organisationnelles ; les exigences élevées associées à ce chantier nécessitent en effet de privilégier une réalisation correcte des opérations, ne nécessitant pas de reprise ultérieure.

Ainsi, le 12 juillet 2011, les inspecteurs de l’ASN ont examiné lors d’une inspection les dispositions prises par EDF et son sous-traitant en charge du contrat de génie civil principal pour le bétonnage des piscines du bâtiment réacteur. Les inspecteurs ont également procédé sur le terrain à l’examen des défauts avant leur réparation. Il se dégage des échanges techniques que les défauts observés résultent notamment de la difficulté de couler du béton dans des géométries complexes très denses en ferraillage avec la méthode retenue. Les inspecteurs ont en outre noté qu’une étape de nettoyage préalable au coulage n’avait pas été correctement réalisée et contrôlée.

L’ASN a ainsi demandé à EDF, le 10 août 2011 :

  • de fournir un bilan sur la qualité de réalisation finale, c’est-à-dire après réparation, des voiles de béton concernés par les défauts ;
  • d’identifier si des bétonnages complexes semblables ont pu conduire à des défauts pour lesquels les contrôles visuels ne sont pas possibles ;
  • de définir des mesures préventives appropriées, notamment en matière de contrôle et de compétence des intervenants, afin que les prochaines opérations de bétonnage soient pleinement maîtrisées ;
  • de présenter préalablement aux prochaines opérations de bétonnage complexes les éléments de retour d’expérience ou enseignements utiles contribuant à la maîtrise de l’activité.

Des premiers éléments de réponse ont d’ores et déjà été donnés par EDF, en particulier sur la formation des intervenants et le renforcement du contrôle des activités par les entreprises concernées.

Vue rapprochée de nids de cailloux avant réparation sur un voile de la piscine du bâtiment réacteur (crédit : EDF)
Vue rapprochée de nids de cailloux avant réparation sur un voile de la piscine du bâtiment réacteur (crédit : EDF)
 

Poursuite de l’examen du contrôle-commande

Le contrôle-commande du réacteur EPR de Flamanville 3 comprend notamment deux plates-formes :

  • la plate-forme Téléperm XS, spécifiquement développée pour l’industrie nucléaire, est dédiée aux fonctions de protection du réacteur en situations d’incidents ou d’accidents ;
  • la plate-forme SPPA T2000, d’origine « industrielle classique », est utilisée pour le fonctionnement normal du réacteur et pour certaines fonctions de protection du réacteur en situations d’incidents ou d’accidents.

Comme suite à la demande de l’ASN dans son courrier en date du 9 juillet 2010, EDF a présenté des dispositions de conception alternatives à celles initialement envisagées. Ces dispositions consistent notamment à regrouper au sein d’un système dénommé « noyau dur » certaines fonctions de sûreté jusqu’alors non implantées sur la plate-forme Téléperm XS. Ces dispositions permettent de faire face à la situation de perte totale de la plateforme SPPA T2000 cumulée à certaines situations accidentelles.

En parallèle, EDF, en lien avec les concepteurs et fabricants concernés, a réalisé d’importants efforts pour apporter la démonstration que certaines fonctions de sûreté pouvaient être implantées sur la plateforme SPPA T2000.

A la demande de l’ASN et sur la base d’une analyse réalisée par l’IRSN, le groupe permanent d’experts pour les réacteurs nucléaires (GPR) a examiné ces éléments au cours de sa séance du 16 juin 2011. Le GPR a considéré que les éléments de réponse apportés par EDF étaient globalement satisfaisants. L’ASN prendra prochainement position sur ce sujet. L’avis du GPR et la lettre de l’ASN, à l’instar de toutes les positions prises par l’ASN à la suite d’une consultation du GPR, seront rendus publics sur le site Internet de l’ASN.

Instruction des méthodes d’études d’accident

En vue de l’instruction de la demande de mise en service du réacteur, l’ASN examine les méthodes utilisées pour réaliser les études de plusieurs transitoires accidentels. Plusieurs de ces méthodes sont en forte évolution par rapport à celles utilisées précédemment pour le parc en exploitation.

Ainsi, une nouvelle méthode, dénommée MTC 3D, a été développée par EDF pour l’étude des transitoires de rupture de tuyauterie vapeur (RTV). Cette nouvelle méthode reconduit les principales étapes de la méthode actuelle du parc en exploitation, mais en utilisant des modèles tridimensionnels du cœur.

En avril 2010, après une instruction poussée de l’IRSN, l’ASN a estimé que :

  • la méthode MTC 3D pouvait être utilisée pour l’étude du transitoire de RTV avec fonctionnement des pompes primaires, sous réserve de la prise en compte de demandes portant notamment sur la validation des logiciels de calcul appelés par la méthode et l’inter-comparaison de résultats des différents logiciels ;
  • l’application de cette méthode aux transitoires de RTV avec arrêt des pompes primaires ne pouvait être acceptée en l’état, jugeant que les choix de modélisation retenus par EDF dans ces situations n’étaient pas suffisamment représentatifs des phénomènes physiques mis en jeu.

EDF a alors transmis des éléments complémentaires à son dossier, qui ont fait l’objet d’un examen par l’ASN et son appui technique.

Le 7 juillet 2011, considérant que les éléments complémentaires restaient insuffisants pour accepter l’application de la méthode aux transitoires de RTV avec arrêt des pompes primaires, l’ASN a demandé à EDF d’approfondir son dossier ou de rechercher d’autres voies pour réaliser l’étude des transitoires de RTV.

L'inspection du travail sur le chantier de Flamanville 3

Durant le 1er semestre 2011, le chantier a été marqué par les accidents mortels des 24 janvier et 11 juin, ainsi que par un accident de la route d’un salarié, décédé sur son trajet travail-domicile le 24 juin. L’inspection du travail de l’ASN a remis aux autorités judiciaires et administratives ses conclusions sur l'accident du 11 juin. En ce qui concerne l'accident du 24 juin, elle a transmis les éléments d'information utiles à l'inspection du travail de droit commun compétente. L'enquête relative à l'accident du 24 janvier se poursuit.

L’ASN a également enquêté sur les modalités de déclaration des accidents du travail sur le chantier de Flamanville 3 ainsi que sur les conditions administratives d’emploi de salariés de l’Union européenne détachés sur le chantier. Ce travail s’effectue en étroite coopération avec les autres services de l’Etat.

Pour en savoir plus :

 


[1] La précontrainte est une technique de construction permettant d’améliorer la résistance mécanique d’une structure. Elle consiste à tendre des câbles d’acier passant dans des gaines incorporées au béton. L’enceinte du bâtiment réacteur de l’EPR se compose de deux parois séparées par un espace, dont une paroi interne en béton précontraint recouverte d’une peau métallique intérieure.

[2] Zones dans les levées de bétonnage qui présentent une concentration d’agglomérats et un manque de ciment et qui nécessitent une réparation.

 

Date de la dernière mise à jour : 03/07/2024