Phénomène de colmatage des puisards des circuits RIS - EAS des centrales nucléaires
Note d'information
1. Le rôle de la fonction de recirculation et l'importance des puisards
En cas d'accident de rupture de tuyauterie à l'intérieur du bâtiment du réacteur, les systèmes d'injection d'eau de sécurité (RIS) et d'aspersion d'eau dans l'enceinte (EAS) sont mis en service automatiquement. L'injection d'eau dans le circuit primaire a notamment pour but de continuer à refroidir le coeur du réacteur (combustible nucléaire). L'aspersion dans l'enceinte a pour objectif de diminuer la pression et la température dans l'enceinte de confinement. L'eau injectée par les systèmes RIS et EAS est tout d'abord pompée dans un réservoir. Lorsque ce réservoir est vide, l'eau issue de la fuite et de l'aspersion est collectée dans les puisards situés au fond du bâtiment du réacteur avant d'être réinjectée par les systèmes RIS et EAS grâce au dispositif de recirculation.
Les débris générés au niveau de la brèche (particules de calorifuges, de béton ou de peinture) sont susceptibles d'atteindre les grilles filtrantes des puisards RIS et EAS, compte tenu des écoulements de l'eau dans le bâtiment du réacteur. Ces grilles ont été conçues pour empêcher le passage de débris susceptibles d'endommager les systèmes de sûreté, sans elles-mêmes être colmatées par ces débris.
2. L'apport des nouvelles connaissances sur le phénomène de colmatage des puisards
En 1992, le colmatage partiel des filtres d'une piscine de condensation avait été observé lors d'un incident, sans conséquence grave sur la sûreté, survenu à la centrale nucléaire suédoise de Barsebäck sur un réacteur nucléaire à eau bouillante, d'une technologie différente de celle des réacteurs à eau sous pression.
Des études sur le phénomène de colmatage des puisards avaient alors été menées en priorité sur les réacteurs à eau bouillante et avaient conduit les exploitants à procéder à des modifications matérielles. Les analyses menées par la suite sur les réacteurs de technologie différente, dont les réacteurs à eau sous pression, n'avaient pas conclu, pour les réacteurs français, à l'existence d'une anomalie.
Cependant, de nouvelles études réalisées au plan international et les premiers résultats en 2003 du programme expérimental de recherche lancé en 1997 par l'IRSN sur les phénomènes de colmatage ont amené à s'interroger sur la pertinence des règles d'étude utilisées pour la conception des systèmes de filtration.
3. La prise de position d'EDF
L'Autorité de sûreté nucléaire a demandé à EDF, dans un courrier daté du 9 octobre 2003, d'étudier le phénomène de colmatage des filtres des puisards en situation accidentelle et de prendre position avant la fin de l'année 2003 sur le risque de perte de la fonction de recirculation induit par ce phénomène pour tous les modèles de réacteurs français.
Dans sa réponse datée du 24 décembre 2003, EDF indique que, dans certaines situations accidentelles très improbables (rupture complète d'une tuyauterie du circuit primaire), le colmatage des filtres des puisards ne peut être exclu, mais qu'il peut être écarté pour des brèches moins importantes. Tous les réacteurs nucléaires à eau sous pression français sont concernés à divers degrés, certains apparaissant plus sensibles à ce phénomène, en raison de surfaces de filtration plus faibles et de la présence de calorifuge générant une quantité plus importante de débris.
Compte tenu de son impact potentiel sur la sûreté des installations, cet évènement a été classé au niveau 2 de l'échelle INES.
Il est à noter que l'anomalie concerne potentiellement l'ensemble des réacteurs à eau sous pression dans le monde (technologie la plus répandue). Certains pays, comme la Suède ou la Finlande, estiment avoir résolu le problème en étendant aux réacteurs à eau sous pression les modifications réalisées sur les réacteurs à eau bouillante à la suite de l'incident de Barsebäck. D'autres pays, comme les Etats-Unis et la France, ont axé dans un premier temps leurs efforts sur l'étude des phénomènes et de l'impact réel de l'anomalie. Après avoir conclu au caractère avéré de l'anomalie, ils engagent actuellement des actions correctives.
4. Les actions engagées et les perspectives
Afin de caractériser correctement l'anomalie et d'élaborer une solution robuste, EDF a établi un « référentiel d'étude » définissant notamment les hypothèses à retenir pour analyser les phénomènes de colmatage des filtres des puisards. Les paramètres pouvant influer sur ces phénomènes sont en effet multiples, les processus physiques mis en jeu complexes et délicats à modéliser. EDF a présenté ce « référentiel d'étude » à l'Autorité de sûreté nucléaire en 2004.
Après avoir recueilli l'avis du Groupe permanent d'experts pour les réacteurs nucléaires placé auprès d'elle, l'Autorité de sûreté nucléaire a estimé que des études complémentaires étaient nécessaires pour étayer certaines hypothèses, notamment en ce qui concerne les interactions chimiques entre l'eau de refroidissement et les particules de calorifuge, sans que cela ne fasse obstacle au commencement rapide des travaux de correction de l'anomalie.
Parallèlement, des travaux de recherche, auxquels participe l'IRSN, se poursuivent au niveau international.
Dès 2004, EDF a engagé l'étude des solutions susceptibles de répondre à l'anomalie. EDF a proposé de corriger l'anomalie en remplaçant les filtres des puisards par des filtres possédant une surface de filtration notablement supérieure, et pouvant encore être augmentée si nécessaire. En 2005, trois réacteurs, à Dampierre, Fessenheim et Gravelines, ont été modifiés. Compte-tenu du retour d'expérience satisfaisant de ces premiers chantiers, les travaux vont être réalisés sur d'autres réacteurs en 2006.
EDF prévoit de réaliser les modifications nécessaires sur l'ensemble des réacteurs avant la fin de l'année 2009. Les réacteurs les plus sensibles au phénomène de colmatage des filtres seront modifiés prioritairement, avant la fin de l'année 2007. L'Autorité de sûreté nucléaire considère que le programme de correction de l'anomalie sur l'ensemble des réacteurs présenté par EDF est acceptable.
L'Autorité de sûreté nucléaire reste par ailleurs attentive aux travaux de recherche qui se poursuivent au niveau international sur le sujet.
Date de la dernière mise à jour : 16/09/2021