36 Sources de production et gestion du tritium produit par les installations nucléaires leurs caractéristiques le permettent, les rejeter sous forme d’effluents (liquides ou gazeux) dans l’environnement. Toutefois, le fait de vouloir récupérer et gérer ces sous-produits en tant que déchets en vue d’un entreposage ou d’un stockage doit conduire l’exploitant à s’interroger, dans le cadre d’une démarche d’optimisation, non seulement sur la faisabilité en termes techniques et économiques des procédés de séparation et de conditionnement nécessaires, mais également sur les gains obtenus en termes de risques et d’impact radiologique, et ce pour l’ensemble des étapes concernées (installations de séparation, de conditionnement et d’entreposage) jusqu’au stockage. Eneffet,endessousd’uncertainseuildeconcentrationenradionucléides, ceux-ci ne peuvent plus, en général, être « raisonnablement » récupérés pour des raisons techniques ou économiques ouparce que les opérations de séparation et de confinement, associées à la production de déchets, sont de nature à induire un impact radiologique sur les travailleurs et une augmentation des risques sans commune mesure avec le gain espéré pour le public. Les enjeux de sûreté et de radioprotection sont, dans ces conditions, nettement supérieurs à ceux induits par le rejet (liquide ou gazeux). Les radionucléides sont alors rejetés dans le milieu après vérification que leur impact sur le public et l’environnement reste acceptable et autorisation. Ce choix participe donc également d’une démarche visant à minimiser l’impact global de l’installation nucléaire concernée21. Lesrejetsdetritiumdesinstallationsnucléaires(notammentdesréacteurs nucléaires de puissance et des usines de traitement de combustibles usés) relèvent totalement de cette démarche d’optimisation. Par conséquent, il apparaît utile, dans le cadre d’une démarche de progrès continu, de dresser un bilan des différentes techniques disponibles, en cours de développement ou envisageables à plus long terme, pour piéger, séparer et immobiliser ce radionucléide en vue d’un entreposage pour décroissance radioactive ou d’un stockage, en précisant notamment leurs avantages et inconvénients, tant sur le plan technique que sur celui des risques induits, en évaluant en particulier les efforts de R&D restant à fournir pour aboutir à une démonstration de faisabilité à l’échelle industrielle. Ainsi, les enjeux technico-économiques et les enjeux de sûreté et de radioprotection, associés à la mise en place d’un traitement du tritium et à la production concomitante de déchets tritiés, pourront être objectivement comparés à ceux induits par un rejet direct. 5 1 Evaluation des procédés de séparation et de récupération du tritium La stratégie permettant de réduire l’impact des rejets de tritium dans l’environnement émanant des centrales nucléaires ou des usines de traitement de combustibles usés consisterait à piéger, immobiliser et conditionner sous une forme appropriée le tritium présent dans les effluents liquides en vue d’un entreposage permettant sa décroissance radioactive ou d’un stockage direct sous forme de déchet ultime. La solution la plus simple a priori consisterait tout d’abord à entreposer directement les effluents à rejeter dans des cuves afin de réduire leur activité volumique en tritium par simple décroissance radioactive. Toutefois, les volumes très importants de ces effluents (de l’ordre de 10 000 à 12 000 m3.an-1 pour un réacteur du parc EDF et de 40 000 m3.an-1 pour une usine traitant annuellement 1 100 tonnes de combustibles usés) rendrait très difficile la mise en œuvre d’une telle stratégie. En effet, les capacités d’entreposage maximales nécessaires, en considérant une période d’entreposage égale à la période de décroissance radioactive du tritium (12,3 ans), permettant de réduire son activité d’un facteur 2, seraient respectivement de l’ordre de 30 000 m3 pour un site comportant deux tranches REP 1 300 MWe (en supposant de plus un recyclage volontaire des effluents tritiés primaires pour reconcentration) et de 500 000 m3 pour une usine traitant 1 100 tonnes de combustibles usés par an. Par ailleurs, ces entreposages pourraient conduire à des rejets de tritium gazeux plus importants en fonctionnement normal et induire des risques supplémentaires de rejets en situation accidentelle, leur impact étant progressivement accru au fur et à mesure de l’augmentation des quantités de tritium entreposées. Dans le cas particulier des CNPE, il faut également souligner que le déstockage au bout d’une douzaine d’années des effluents entreposés pourrait s’avérer difficile, voire impossible, en particulier pour des centrales en bord de rivières à faible débit, compte tenu notamment des concentrations maximales réglementaires à respecter au niveau des exutoires. Ces difficultés seraient encore accrues s’il était décidé d’entreposer ces effluents sur des durées plus importantes pour diminuer davantage encore l’activité en tritium rejetée. Ainsi, la mise en œuvre de procédés permettant de décontaminer les effluents tritiés et de concentrer le tritium récupéré dans un volume d’effluents réduit, notamment par séparation isotopique, apparaît indispensable pour obtenir des volumes compatibles avec les options d’entreposage oude conditionnement étudiées, le tritiumprésent dans les effluents à rejeter étant de fait extrêmement dilué (de l’ordre de 106 Bq.L-1 pour les CNPE et 108 Bq.L-1 pour les usines de traitement). Les principaux procédés potentiellement applicables regroupent les techniques de distillation sous vide, d’électrolyse, de séparation sur résines et d’échanges chimiques. Ces techniques ont été essentiellement développées et mises en œuvre dans le cadre de la production, du retitrage et de la détritiation de l’eau lourde présente dans le caloporteur des réacteurs HWR et de la séparation des isotopes de l’hydrogène présents dans les effluents gazeux des réacteurs prototypes à fusion thermonucléaire en fonctionnement (JET) ou en cours de développement (ITER). Pour ce qui concerne les usines de traitement, une autre possibilité serait de réduire au maximum la production d’effluents tritiés à la source en adaptant le procédé TRILEX déjà partiellement mis en œuvre sur le site de La Hague (cf. ci-après) ou en s’appuyant sur des procédés évolutifs comme la voloxydation ou la pyrochimie, capables d’extraire le tritium du combustible irradié. 5 1 1 Procédé de voloxydation Ce procédé, qui n’a jamais été mis en œuvre à l’échelle industrielle et dont l’objectif premier est de simplifier le procédé PUREX en séparant, lors des opérations de tête, un certains nombre de radionucléides gênants pour la suite de ce procédé, consiste à chauffer dans un four le combustible cisaillé à une température de l’ordre de 500 °C sous un flux d’air ou d’oxygène afin de convertir l’oxyde d’uranium en U 3 O 8 . Cette montée en température provoque l’éclatement du combustible et de son gainage et permet, en particulier, le relâchement d’une fraction significative du tritium présent dans l’oxyde irradié sous forme de gaz (plus de 90 %), celui-ci pouvant être récupéré sous forme d’eau tritiée, après passage sur un catalyseur, puis piégé sur un support solide [4]. Les essais réalisés [34] conduisent à un volume d’effluents tritiés générés de l’ordre de 20 L.t Ui -1 (à comparer à un flux d’environ 4 000 L.t Ui -1 pour les usines actuelles). Toutefois, ce traitement induit des risques d’inflammation des débris de gaine en zircaloy (cas des combustibles LWR), ce matériau étant particulièrement pyrophorique à l’état divisé, et conduit également à un relâchement important de produits de fission gazeux, volatils ou semi-volatils (iode 129, krypton 85, carbone 14, ruthénium 106, césium 137…), qui nécessite un traitement des gaz adapté, générant à son tour un volume d’effluents significatif. De plus, la présence de ces radionucléides pourrait compliquer les opérations de séparation et de purification du tritium. Ainsi, il peut être considéré que ce procédé induirait des risques potentiels relativement élevés si celui-ci était mis en œuvre dans le seul objectif de diminuer les rejets de tritium dans l’environnement. 5 1 2 Procédés pyrométallurgiques Les procédés pyrométallurgiques regroupent des techniques de conversion et de séparation des actinides tels que la calciothermie, la précipitation fractionnée dans les chlorures fondus, l’extraction liquide/ liquide entre un sel fondu et un métal liquide ou encore la séparation électrolytique dans les halogénures fondus (chlorures ou fluorures). 22 La technique de distillation sous vide a déjà été utilisée pour récupérer le tritium contenu dans l’eau lourde tritiée des réacteurs de puissance de la filière CANDU au Canada et du réacteur de l’Institut Laue-Langevin à Grenoble, ainsi que dans le modérateur du réacteur Orphée à Saclay. Elle a également été testée à l’échelle du laboratoire dans l’usine de traitement de combustibles usés Eurochemic (Belgique) [4][5][38] .
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