269 Le Tritium : un risque sous-estimé 3 Base azotée dérivant de la pyrimidine, qui entre dans la composition des nucléotides, des acides nucléiques. biologique (EBR) qui est le rapport, pour une même dose absorbée, des dégâts biologiques induits par les bêtas du tritium sur ceux induits par les photons (X ou gamma). Ce rapport est souvent voisin de 1,5 à 2 (par comparaison aux rayons X) et de l’ordre de 2 à 4 (par comparaison aux rayons gamma) [LITTLE, 2008]. De tels résultats sont cohérents avec une approche biophysique qui conduit à un EBR théorique de 3,75. Parmi ces expérimentations, celles qui présentent un intérêt prépondérant sont celles qui étudient des cibles biologiques telles que l’induction de cancers ou des anomalies chromosomiques car elles correspondent aux effets stochastiques. Dans ce cas-là, les EBR servent à construire les facteurs de pondération w R . Or, la CIPR a fixé arbitrairement un w R = 1 pour l’ensemble des rayonnements bêta quels qu’ils soient. Pourtant, l’on sait fort bien que l’efficacité biologique peut varier significativement selon l’énergie associée aux particules chargées légères. Straume amontré que l’EBR du Tritiumest 10 fois plus élevé que l’EBR d’électrons de 15 MeV [STRAUME, 1995]. Concrètement, de ce seul point de vue du transfert linéique d’énergie, cela signifie que le risque radio-induit dû au tritium est sous-évalué d’au moins un facteur 2 à 4. Par conséquent, toujours pour ce seul argument évoqué ici, les coefficients de dose par unité d’incorporation (CDUI) établis pour le Tritium [tableau n°2] devraient être corrigés, a minima, par ce même facteur. Ces coefficients permettent de calculer la dose efficace reçue par un individu (en Sv) à partir de la connaissance de l’activité incorporée (en Bq de tritium). Tableau n°2 : Coefficient de dose efficace engagée par unité incorporée par ingestion (Sv.Bq-1) pour la population (*) (*) : Directive 96/29/Euratom du 13 mai 1996 3 Incorporation de produits organiques tritiés et modèle biocinétique CIPR D’autres questions relatives à la toxicité du tritium laissent suggérer que la sous-estimation du risque lié à ce radioélément pourrait être plus importante encore. Lemodèlebiocinétiquepourl’eautritiéeetlescomposésorganiquestritiés est décrit pour le travailleur dans la Publication 78 de la Commission [ICRP78, 1999]. Il est représenté par 2 compartiments représentant l’eau totale du corps (A) et l’ensemble de la matière organique (B). Il suppose que 97% de l’eau tritiée [tableau n°3] est en équilibre avec l’eau du corps et est retenu avec une demi-vie de 10 jours, le restant étant incorporé dans les molécules organiques et retenu avec une demi-vie de 40 jours. Pour les composés organiques du tritium [tableau n°4], 50% de l’activité est retenu avec la période biologique de l’eau libre (10 jours) et 50% avec la période biologique du carbone organique (40 jours). Tableau n°3 : Données biocinétiques pour l’eau tritiée (HTO) selon la CIPR Compartiment Fraction incorporée (%) Période biologique (jours) A 97 10 B 3 40 Tableau n°4 : Données biocinétiques pour le Tritium organiquement lié (OBT) selon la CIPR Le modèle CIPR est mis en défaut par de récentes expérimentations où des rats ont été nourris avec du poisson prélevé dans la Baie de Cardiff (fort marquage en tritium libre et organique) [HODGSON, 2005]. Le modèle CIPR sous-estimerait donc l’incorporation dans la matière organique et sa rétention dans le corps comme l’indique le tableau suivant : Tableau n°5 : Données biocinétiques pour le Tritium organiquement lié (OBT) [HODGSON] D’autres auteurs, qui proposent unmodèle alternatifmulticompartimental, considèrent également que le modèle de la CIPR sous-estime la concentration en tritium organique présente dans le corps après incorporation [GALERIU, 2009]. L’ingestion de produits organiques tritiés est un facteur aggravant qui peut être parfois très élevé. Ainsi des auteurs ont pu montrer que la thymidine tritiée est environ 10 000 fois plus radiotoxique que l’eau tritiée. D’autres ont observé que l’arginine tritiée, qui est très rapidement incorporée dans l’embryon de souris, est encore plus radiotoxique pour cet élément (au stade de blastocyste) [MULLER, 1986]. 4 La transmutation du tritium et l’effet isotopique Deux autres raisons théoriques viennent renforcer les raisons plausibles qui peuvent expliquer l’existence d’un EBR presque toujours supérieurs à 1 avec le tritium. Tout d’abord, lorsqu’un atome [3H] se désintègre en émettant une particule bêta, il se transforme en [He] (hélium). Pour le tritiumorganique, cette transmutation conduit à la formation d’un carbone ionisé. Des expérimentations portant sur l’incorporation de bases pyrimidiques3 tritiées dans différents types de cellules ont démontré un rôle mutagène de cette transmutation [TEEBOR, 1984]. Des auteurs utilisant de la thymidine tritiée sur des cellules humaines ont pu établir que 31% des ruptures monocaténaires produites sur l’ADN seraient associées à ce phénomène de transmutation [TISLJAR-LENTULIS, 1983]. Compartiment Fraction incorporée (%) Période biologique (jours) A 50 10 B 50 40 Compartiment Fraction incorporée (%) Période biologique (jours) A 70 10 B 30 100 Forme chimique ≤ 1 an 1-2 ans 2-7 ans 7-12 ans 12-17 ans adulte Eau tritiée 6,4.10-11 4,8.10-11 3,1.10-11 2,3.10-11 1,8.10-11 1,8.10-11 Tritium organique 1,2.10-10 1,2.10-10 7,3.10-11 5,7.10-11 4,2.10-11 4,2.10-11
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