Livre blanc du Tritium & bilan des rejets de tritium pour les INB

268 Le Tritium : un risque sous-estimé Le Tritium [3H] ou [T] est l’isotope radioactif de l’hydrogène [H]. A ce titre, il peut se substituer aux atomes d’hydrogène qui constituent l’un des quatre éléments fondamentaux (avec le carbone, l’azote et l’oxygène) de la matière organique, donc des corps vivants. Le Tritium rejeté dans l’environnement, sous forme d’eau tritiée [HTO] ou sous forme de gaz (tritiumet méthane), sera incorporé par les espèces vivantes de plusieurs façons : • par inhalation, • par transfert cutané, • par ingestion. En dehors des expositions professionnelles, c’est la voie ingestion qui est le mode d’exposition nettement dominant pour le public. L’eau tritiée incorporée par un organisme vivant se comporte de manière identique à l’eau constitutive de cet organisme (un peu plus de 70% chez l’homme à plus de 90% dans certaines espèces végétales et animales) et se répartit dans tout le corps. Parmi les espèces végétales, plantes en milieu terrestre et phytoplancton enmilieu aquatique, l’activité de photosynthèse conduit à l’incorporation d’eau tritiée [HTO] pour la synthèse de molécules organiques [OBT1]. Ensuite, par ingestion, les espèces vivantes (et l’homme en bout de chaîne alimentaire) incorporent du Tritium sous forme d’eau tritiée mais également sous forme de tritium organique. 1 Le système de radioprotection En tant qu’isotope de l’hydrogène, le tritium est bien un élément toxique en raison exclusivement de sa nature radioactive. N’en déplaise à ceux qui, inlassablement, cherchent à le distinguer des autres substances radioactives pour mieux le banaliser. En fait, le débat qui s’est instauré depuis plusieurs années dans une partie de la communauté scientifique viserait plutôt à réévaluer à la hausse le risque radio-induit qui est affecté au Tritium [RP-152, 2008], [AGIR, 2007]. Dans le système de radioprotection actuel, le risque radio-induit est construit pour l’essentiel à partir des conséquences observées sur les survivants de Hiroshima et de Nagasaki qui ont subi une exposition externe à des rayonnements (principalement des photons) de façon aigüe. Quelques cohortes de patients et de travailleurs exposés ont permis de préciser le modèle de risque. Lorsqu’il s’agit d’une contamination interne chronique, le système de radioprotection développé par la CIPR (Commission Internationale de Protection Radiologique) vise à quantifier le dépôt d’énergie par le rayonnement émis par les substances radioactives incorporées en le moyennant par tissu ou par organe. Il intègre en outre un coefficient de correction, appelé facteur de pondération (w R ), pour tenir compte de la nature du rayonnement, essentiellement de la densité d’ionisation qu’il produit dans la matière [CIPR103, 2007]. Par analogie (portant sur les doses équivalentes aux tissus ou aux organes), les coefficients de risques radio-induits issus d’Hiroshima-Nagasaki sont appliqués de la même façon aux situations de contaminations internes. 2 Le risque lié au tritium est sous-estimé Cette approche simplificatrice ne tient pas compte de l’hétérogénéité, en particulier à l’échelle cellulaire, du dépôt d’énergie produit par les rayonnements bêta du tritium du fait de son faible parcours dans la matière vivante. Ce parcours de l’ordre du micron (0,6 µm en moyenne et 6 µm au maximum), nettement inférieur au diamètre moyen d’une cellule, peut conduire à ce qu’une quantité d’énergie importante soit déposée dans l’ADN si l’atome de tritium est localisé au niveau de la chromatine. Cette question est en outre accentuée par une densité d’ionisation élevée due aux bêtas du tritium [tableau n°1] comparativement aux rayonnements de référence (gamma du cobalt-60 ou rayons X de 250 kV) censés représenter le rayonnement externe2 produit lors des explosions nucléaires. Tableau n°1 : Dépôt d’énergie par unité de parcours dans la matière Bêtas [3H] Ray. X (250 kV) Gammas [60Co] Transfert linéique d’énergie (keV/µm) 4,7 1,7 0,22 Il s’agit là, sans doute, d’une des raisons principales qui expliquent la toxicité particulière du tritium car l’efficacité d’altération biologique des radiations est étroitement dépendante de la densité d’ionisation (exprimée par le transfert linéique d’énergie) [HUNTER, 2009]. En effet, de nombreux travaux scientifiques ont été réalisés pour évaluer les effets biologiques du tritiumpar comparaison à ceux obtenus à partir des rayonnements de référence. Ils sont très largement concordants pour exprimer, à dose absorbée égale, une radiotoxicité clairement plus élevée du tritium par rapport aux rayonnements de référence. A travers ces expérimentations, les auteurs calculent un coefficient d’efficacité Le Tritium : un risque sous-estimé Pierre Barbey et David Boilley - Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest (ACRO) http://acro.eu.org 1 Organically Bound Tritium ou tritium organiquement lié 2 Les radiations gamma subies lors des explosions nucléaires se situent dans des énergies élevées (2 à 5 MeV). 5 CHAPITRE

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