Livre blanc du Tritium & bilan des rejets de tritium pour les INB

258 Eléments de réflexion sur le risque sanitaire posé par le tritium de tritium correspondant aux limites demandées par les exploitants sont en moyenne de l’ordre du µSv/an. Les valeurs les plus élevées sont celles des installations du site de Marcoule pour les effluents gazeux (62 µSv/an) et de la centrale de Civaux pour les effluents liquides (4 µSv/an). Le tritium représente en moyenne 7% de la dose efficace, toutes voies d’exposition confondues, due à l’ensemble des radionucléides présents dans les effluents gazeux des installations et en moyenne 10% de la dose efficace due à l’ensemble des radionucléides présents dans les effluents liquides. Grosche et al. [18] ont étudié les taux de leucémies chez l’enfant à proximité des sites de Krümmel en Allemagne et de Savannah River Site (SRS) aux Etats-Unis : les rejets de tritium autour de SRS sont plus élevés qu’autour de Krümmel mais moins de cas sont observés. Les auteurs de cette étude concluent que leurs résultats n’indiquent pas de lien tritium – risque de leucémie. D’autres études ont porté sur le voisinage de sites ayant a priori des rejets de tritium importants : incidence des leucémies chez les enfants autour des sites canadiens ([19], [20]), déficit de naissance et mortalité infantile autour du site de Pickering en Ontario [21], mortalité autour du site d’essais nucléaires de Salmon, Mississippi, USA [22]. Ces études sont de nature descriptive (c’est-à-dire n’ayant pas méthodologiquement la capacité à identifier les causes d’un éventuel excès de risque) et ne comportaient pas d’estimation individuelle des doses tritium. Elles ne permettent donc pas d’inférence sur le risque tritium seul. Au total, les résultats actuellement disponibles ne montrent pas de risque associé au tritium au sein de la population voisine de sites nucléaires, mais il est important de souligner le faible nombre et la faible qualité des études effectuées. 3 1 3 Etudes sur les descendants des travailleurs du nucléaire Greenetal. [23] ont étudié les anomalies congénitales chez les descendants des travailleurs des centrales nucléaires Canadiennes (étude cas-témoin4). Les doses tritium ont été évaluées chez les pères et mères ayant eu une dose tritiumdans les 60 jours avant la conception vs ceux qui n’en ont pas eu. Aucun lien entre exposition au tritium et anomalies congénitales chez les enfants n’a été observé (Odds ratio5, OR = 0,99 [0,67-1,47]). Mc Laughlinet al. ont étudié les leucémies infantiles chez les descendants des travailleurs exposés de l’Ontario ([24], [25]). Dans cette étude castémoin, les doses ont été déterminées à partir du fichier de dosimétrie des travailleurs du Canada. Il n’a pas été mis en évidence d’association entre leucémie et exposition tritium. Au total, il apparait que très peu d’études ont permis d’étudier les risques chez les descendants des travailleurs exposés au tritium. Les résultats disponibles ne montrent pas de risque associé. 3 2 Discussion L’analyseeffectuéeparl’IRSNrecoupelarevuedesétudesépidémiologiques disponibles effectuée dans le rapport AGIR. Les études publiées ne fournissent pas de connaissance directe sur les risques associés au tritium. Les doses estimées sont en général faibles et les risques attendus également, donc difficiles àmettre en évidence. Les limites principales sont la puissance statistique (effectif) et la qualité des données dosimétriques. Ces limites font qu’en l’état actuel, les résultats épidémiologiques disponibles ne permettent ni de démontrer l’existence de risques éventuels liés au tritium, ni de conclure que ces risques sont faibles ou négligeables. Le groupe AGIR recommande que soient considérées la pertinence et la possibilité de lancer au niveau international une étude épidémiologique des populations exposées au tritium. En France, la faisabilité de participer à une telle étude dépend de la disponibilité des données d’exposition et de la possibilité d’estimer rétrospectivement les doses individuelles. Par rapport aux études des cohortes des travailleurs de l’industrie nucléaire conduites au sein de l’IRSN, la collecte et la centralisation des données d’exposition tritiumseraient un complément sur l’une des composantes de l’exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants (en complément de l’exposition externe et d’éventuelles autres contaminations internes). La création d’une telle base de données (actuellement inexistante en France) est un préalable indispensable à la prise en compte du tritium dans le cadre d’études épidémiologiques. Le constat de l’IRSN est également cohérent avec celui de la Commission InternationaledeProtectionradiologique(CIPR)quisoulignel’importance de poursuivre les études épidémiologiques, considérant que toute opportunité d’acquérir des données permettant d’évaluer directement le risque radiologique chez l’homme doit être soutenue [26]. 4 Que sait-on des effets biologiques du tritium organique (OBT) ? 4 1 Etat de la question Les données scientifiques actuelles montrent que le comportement du tritium dans l’organisme et donc son impact dosimétrique dépendent de sa forme physico-chimique (spéciation). Le tritium (T) dans l’organisme peut se présenter sous forme d’eau tritiée (HTO) ou être incorporé aux molécules organiques (tritium organique ou OBT pour "organically bound tritium"). Sous forme organique, le tritium peut être lié à l’oxygène, à l’azote, au phosphore ou au soufre et s’échanger facilement avec l’hydrogène du pool d’eau corporelle ; suite à cet échange, il aura alors le même métabolisme et la même distribution que HTO dans l’organisme. C’est ce qu’on appelle la forme échangeable du tritium organique OBT. Lorsque le tritiumorganique est lié au carbone (liaison forteH-C), il devient non échangeable avec l’hydrogène de l’eau. Cette forme non échangeable possède son propre métabolisme, s’incorpore aux constituants cellulaires et induit une distribution inhomogène de la dose délivrée. Les modèles biocinétiques compartimentaux permettent de décrire l’absorption, la distribution et la rétention du tritium après son entrée dans l’organisme. Les modèles actuellement appliqués au tritium sont ceux développés par la CIPR et publiés notamment en 1989 [27] et 1993 [28]. Le modèle systémique actuellement recommandé pour l’eau tritiée (HTO) décrit que 97% de l’activité ingérée est incorporée en restant sous la forme HTO dans les tissus où elle est retenue avec une demi-vie de 10 jours, et que 3% de l’activité est transformée en tritium organique non échangeable (OBT), et retenue avec une demi-vie de 40 jours (cette dernière correspondant au turnover du carbone dans l’organisme). Le modèle pour le tritium ingéré sous forme organique OBT considère que 50% de l’activité reste sous cette forme non échangeable tandis que 50% de l’activité est transformée en HTO par catabolisme, avec les demivies respectives citées précédemment. La CIPR a publié en 1996 [29] les coefficients de dose (par activité incorporée, DPUI) d’une part pour l’adulte de référence, d’autre part pour des enfants de différentes classes d’âge, respectivement pour la forme HTO et celle OBT. Par exemple pour l’adulte, le coefficient de dose est égal à 4,2.10-11 Sv/Bq quelle que soit la forme organique OBT considérée, 4 Etude d’observation rétrospective dans laquelle les caractéristiques des malades (les cas) sont comparées à celles de sujets indemnes de la maladie (les témoins) 5 Rapport des probabilités d’occurrence d’une maladie d’un groupe exposé et d’un groupe non exposé

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