186 Le tritium et les êtres vivants Cet article s’inspire fortement d’une synthèse que nous avons faite pour le GRNC et qui a été publié dans les rapports de ce Groupe Pluraliste soit sous forme de résumé (Amiard, 2009a), soit sous forme développée (Amiard, 2009b). 1 Le tritium dans les êtres vivants Chez les êtres vivants, le tritium se présente sous deux formes principales, l’eau tritiée libre (HTO) et le tritium organiquement lié (OBT). Les échanges de HTO sont rapides, ceux de l’OBT nettement plus lents. Pour le tritium, dans la bioaccumulation, la voie trophique (nourriture solide) est prépondérante sur la voie directe externe (eau). Le tritium est un isotope de l’hydrogène. Or, les êtres vivants sont constitués principalement de C, H, O, N, S, …. Il est présent donc dans toutes les molécules, ADN compris. Le tritium forme des liaisons covalentes avec le carbone qui sont très stables et dureront toute la vie de la molécule, c’est-à-dire peu pour les molécules impliquées dans le métabolisme énergétique et très longtemps dans des macromolécules comme l’ADN. Il forme aussi des liaisons avec notamment O, N et S mais qui sont plus labiles. 1 1 Le tritium et l’ADN L’ADN, macromolécule indispensable à la vie, est en interaction avec des molécules d’eau. L’action du rayonnement peut donc être directe par absorption de l’énergie par des composants de la double hélice, ou indirecte par leur réaction avec des espèces radiolytiques formées dans l’eau du voisinage (Douki et Cadet, 2008). Les réactions des radicaux de la radiolyse de l’eau avec les divers composants de l’ADN pris individuellement, dont les bases ou les sucres (désoxyriboses), ont été largement étudiées dans le passé. Aujourd’hui, les techniques permettent d’examiner les dommages causés à l’ADN lui-même dans son ensemble et dans son milieu cellulaire. Parmi les effets indirects des radicaux issus de la radiolyse de l’eau sur l’ADN, le radical OH- est le plus oxydant (Buxton, 2008). Les dommages causés à l’ADN cellulaire peuvent provoquer des coupures simple brin (SSB) appelées coupures franches, des coupures double brin (DSB) ou des altérations de bases. La distribution de ces dommages au long de la molécule d’ADN dépend fortement de l’accessibilité des sites réactifs des sucres et des bases pour le radical OH. Cette accessibilité dépend donc de la structure tridimensionnelle de la molécule d’ADN et en conséquence de la séquence de cet ADN ainsi que des facteurs environnementaux comme la concentration en ions métalliques. Certaines radiations ionisantes peuvent provoquer des grappes de dommages, c’est-à-dire des lésions groupées dans des sites de dommages multiples (MDS, « multiple damages sites »). Ceci est par exemple le cas lorsque plusieurs bases proches sont modifiées, ou lors d’une coupure simple brin associée à une base oxydée, ou encore de deux coupures double brin, ou toutes autres combinaisons multiples de ces lésions localisées sur un ou sur les deux brins de l’ADN. Comme ce type de lésions multiples est bien moins efficacement réparé par les enzymes, elles conduisent finalement à la mutagenèse ou à la mort cellulaire programmée (apoptose). Les effets directs de l’absorption du rayonnement ionisant sur l’ADN dépendent de la température, du TEL (transfert linéique d’énergie, en anglais LET « linear energy transfer »), ainsi que de la conformation de l’ADN (Sevilla et Bernhard, 2008). Dans le cas du tritium, le TEL est de 11,5 keV.µm-1. Comme tout système irradié, l’ionisation initiale produit des électrons et des radicaux cations de l’ADN (ou trous) qui sont répartis en égales proportions entre le squelette phosphate-sucre de l’ADN et les bases. Les radicaux oxydés issus de la capture des trous sont surtout ceux de la guanine et dans une moindre portion de l’adénosine, alors que les électrons sont captés par la thymine ou la cytosine. La distribution particulière des radicaux est due au transfert de site en site, soit des électrons (Cyt-, Thy-, respectivement 29 et 27 %), soit des trous (Gua+, dans 35 % des cas pour les irradiations de faible TEL). Ceci s’explique par les potentiels d’ionisation (G<A<C, T) et des affinités électroniques des bases (C, T>>A>G). Le fait que la base guanine est fortement touchée explique que la base oxydée (8-oxo-7,8-dihydro-2’-déoxyguanosine, 8-oxdGuo) serve de biomarqueur de dommage à l’ADN (Vasseur et al., 2008). Le tritium et les êtres vivants Bioconcentration, Bioaccumulation, Bioamplification ? Jean-Claude Amiard 1 1Directeur de Recherche au CNRS Membre du Comité Scientifique de l’ANCCLI 4 CHAPITRE
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