Projet de décision de l’ASN relative à la poursuite du fonctionnement du réacteur n°5 de la centrale nucléaire du Bugey après son troisième réexamen de sûreté (Saint-Vulbas - Ain)

Pas d'acharnement "thérapeutique" ! Avec une baisse de la consommation d'électricité, la prolongation de Bugey 5 ne se justifie que peu économiquement et techniquement pas.
Ce délai court rend difficile une analyse technique de ce projet de décision d'autant que ce document n'est pas complété par l'avis de l'IRSN et par le projet de rapport à destination du Ministère de l'Ecologie, du Développement Durable et de l'Energie.
Négation du problème de l'enceinte de confinement de Bugey 5 :
Ma première réaction à ce projet de décision de prolongation pour 10 ans du réacteur Bugey 5 est la négation du problème de l'enceinte de confinement de ce réacteur, alors que dans les rapports annuels de l'ASN de 2012 et 2013, il est dit :
"À l’exception de l’enceinte de Bugey 5, les résultats des épreuves décennales des enceintes de ces réacteurs ont montré jusqu’ici des taux de fuite conformes aux critères réglementaires (16 réacteurs sur 28 ont réalisé cette épreuve). Une augmentation significative du taux de fuite de l’enceinte de Bugey 5 ayant été observée lors de son épreuve réalisée en 2011, le site devra réaliser une épreuve anticipée de l’enceinte 5 ans plus tard, en 2016."
Comment peut-on concevoir une autorisation jusqu'en 2022 avec un réacteur qui est très limite sur le plan de la sûreté (l'enceinte de confinement est la troisième et dernière barrière contre le rejet des produits radioactifs dans l'environnement) et qui doit être à nouveau testé avant le 7 septembre 2016 (INB89-37) ? Faut vraiment travailler dans le nucléaire pour avoir un esprit aussi mal tourné !
Des décennales à rallonge :
Bugey 5 n'échappe pas à la règle des décennales à rallonge. Ce réacteur a été mis en service en 1979 et il serait prolongé jusqu'en 2022, soit 43 ans pour 4 périodes de 10 ans. Pour Bugey 5, un fonctionnement de 40 ans c'est jusqu'en 2019 et pas plus.
Et si on parle de la dernière visite décennale, le réacteur l'a subie du 11 juin au 20 décembre 2011 et le projet de décision donne à EDF jusqu'au 15 juin 2012, soit encore 6 mois de gagné.
On peut aussi s'étonner que la présente décision de l'ASN n'intervienne qu'au deuxième semestre 2014, soit pratiquement 3 ans après la remise en route du réacteur suite à sa visite décennale. Ceci fait que pendant ces quasi trois années le réacteur continuait de fonctionner, mais sans aucune autorisation. Un réacteur nucléaire est une installation très complexe, mais aussi très dangereuse, et il conviendrait que l' ASN soit plus réactive et prenne ses décisions au plus tard dans l'année qui suit la visite décennale.
Tout ceci nous laisse penser que ces visites décennales ne sont qu'une mascarade et que l'exploitant aura toujours l'autorisation de continuer.
INB89-19 et INB89-21 :
En ce qui concerne la gestion du combustible fortement enrichi, il est très important d'avoir un suivi précis de l'antiréactivité du Xénon et du Samarium : qu'en est-il ? Ne faudrait-il pas ajouter une exigence à ce sujet ?
INB89-20 :
Le taux de bouchage des générateurs de vapeurs du type 51B est ici limité à 13,5 % alors que pour les mêmes générateurs de vapeur et le même combustible, la décision n° 2011-DC-0231 du 4 juillet 2011 limite ce taux à 10 % pour le réacteur Fessenheim 1 (du même type que celui de Bugey). Avec un taux de bouchage élevé les performances des générateurs de vapeur sont dégradées et il y a d'importantes conséquences sur le fonctionnement du réacteur, à la fois en situation normale et dans les conditions accidentelles. Sur ce dernier point, dans le cas d'une perte totale des alimentations électriques externes, avec un taux élevé de bouchage des tubes des générateurs de vapeur, le débit d'eau pour évacuer la chaleur sera limité (augmentation des pertes de charge) et la surface d'échange sera moindre ce qui conduira plus rapidement à un risque d'ébullition et d'accident très grave pouvant aller jusqu'à la fonte du coeur du réacteur, tout comme à Fukushima. Par ailleurs, l'IRSN a souligné (rapport DSR n° 383) qu'un taux de bouchage élevé est signe d'une dégradation globale du faisceau tubulaire du générateur de vapeur, et donc, malgré les bouchages effectués, d'un accroissement du risque de ruptures de tubes, accident qui conduit rapidement à des rejets radioactifs dans l'environnement.
Il ne semble pas que le réacteur Bugey 5 soit en meilleur état que celui de Fessenheim 1 et nous ne pouvons
accepter ce taux plus élevé, qui semble marquer que les choix de l'ASN sont plus faits pour ne pas pénaliser EDF que par rapport à la sûreté. Ce taux de 13,5 % est d'autant plus inadmissible qu'actuellement les générateurs de vapeur de Bugey 5 sont en train de subir un grand nettoyage chimique qui va leur rendre "toute leur jeunesse".
En conclusion, le taux de bouchage doit être limité à 10 %.
INB89-22 :
Je m'étonne que de vieux combustibles non conformes au combustible de référence ne soient pas encore consommés à l'échéance du présent projet de prolongation jusqu'en 2022, puisque EDF doit en dresser le bilan ? EDF les garderait pour plus tard ce qui laisse penser dès maintenant que le réacteur aura son autorisation pour continuer jusqu'à 50 ans d'âge. Il conviendrait de limiter à 5 ans au plus, la durée pour consommer ces vieux combustibles.
INB89-24 :
Qui va calculer le nombre de recombineurs d'hydrogène et définir leur disposition ? Pour le volume de l'enceinte de confinement de Bugey 5, la décision devrait préciser le nombre et la localisation des recombineurs d'hydrogène à prévoir.
INB89-25 :
Est-ce que la tenue des bâtiments a fait l'objet d'une vérification sur la base des critères indiqués. Les études devraient avoir été faites et la décision devrait préciser les travaux à faire. Cet article ne fait que donner des principes de calculs sans aucune échéance : ce n'est pas sérieux.
INB89-26, INB89-27, INB89-28, INB89-29, INB89-30, INB89-31, INB89-32, INB89--34, INB89-35, INB89-36 et INB89-39 :
Ces articles traitent des mesures à prendre pour pallier à différents risques, dont une bonne part vient des enseignements tirés de l'accident de Fukushima. Le réacteur Bugey 5 est donc très loin d'être à un niveau optimum de sûreté et toutes ces mesures devraient donc être prises très rapidement.
Par ailleurs ce réacteur est actuellement en arrêt et on se demande pourquoi l'ASN n'impose pas que ces travaux soient faits immédiatement ?
La décision doit donner comme date limite pour ces travaux, le 31 décembre 2014.
Les échéances de 2015 et 2016 sont de la complaisance économique de l'ASN avec EDF pour le pas alourdir les coûts, mais elles vont à l'encontre de la sécurité des habitants de la région. J'exige que notre sécurité passe en priorité et l'ASN doit ramener toutes ces dates au 31 décembre 2014.
INB89-38 :
Qui va calculer la capacité d'échange ? Pourquoi cette capacité d'échange n'est pas encore vérifiée et si insuffisante pourquoi des travaux ne sont pas prescrits. Les piscines existent et tous les paramètres pour le dimensionnement sont connus. La visite décennale de Bugey 5 et l'accident de Fukushima datent de 2011, soit il y a 3 ans. Il n'est pas sérieux que ce dimensionnement ne soit pas encore fait.
EDF-BUG-175 et EDF-BUG-176 :
Ces articles qui s'appliquent à tous les réacteurs du site ne font que donner des bases de calculs, mais qu'en est-il de ces calculs ? Sont-ils faits ? Y a t'il des travaux à entreprendre ? Si oui quand ?
Les réacteurs de Bugey sont sur une faille sismique en connexion avec d'autres failles actives (dont certaines vers les barrages de Vouglans et Génissiat) et il y aurait urgence à ce que tout soit fait pour mettre à niveau l'ensemble du site et si c'est pas possible, il faut de suite prendre la décision d'arrêter les 4 réacteurs.
EDF-BUG-178 :
Je m'étonne de l'échéance du 31 décembre 2019 pour modifier les installations en référence au référentiel "Grands Chauds" défini par la note ENSNEA 050052 indice B.
Lors de la sécheresse de 2011, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet déclarait (L'Express, 17 mai 2011) :
"Pas de quoi s'inquiéter, selon la ministre de l'Ecologie. En marge de la première réunion du "comité sécheresse",
Nathalie Kosciusko-Morizet soulignait ce lundi : "Le manque d'eau est prévu dans le dispositif de contrôle." Et de rappeler que, depuis 2003, les centrales sont dotées d'un "référentiel grand chaud" - sorte de "plan canicule" - adapté aux réacteurs nucléaires, pour faire face à ce type de conditions météorologiques."
Ce référentiel de 2003 a été révisé suite aux périodes de fortes chaleurs observées en 2003 et 2006 et, dans ce cadre, EDF avait déclaré le 31 juillet 2007, des écarts de conformité relatifs à la tenue à la température des pompes d’injection de sécurité haute pression des réacteurs de 900 MWe.
Ce problème est donc en rapport direct avec les sûreté des réacteurs nucléaires et il n'est pas admissible de donner un délai jusqu'au 31 décembre 2009. Ce délai doit être ramené au 31 décembre 2015.
Conclusion :
La sûreté des réacteurs nucléaires n'est qu'un mythe. Chaque incident et accident fait apparaître des insuffisances auxquelles on tente de remédier dans les années qui suivent (5 à 10 ans) et, de ce fait, les réacteurs nucléaires ne sont jamais à la sûreté maximale comme on n'arrête pas de nous le dire en hauts lieux et dans les médias.
Cette décision de prolongation du réacteur Bugey 5 jusqu'en 2022 n'est actuellement pas acceptable. La seule date qui convienne serait celle de son nouveau test d'étanchéité de sa troisième barrière de confinement, à savoir le 7 septembre 2016.
Ce réacteur est vieillissant et le risque d'accident ne fait que s'accroître. L'enceinte de confinement subit les affres du temps, mais elle n'est pas la seule. La cuve du réacteur aussi s'affaiblit d'année en année. De nombreuses vannes ne sont plus fabriquées et les incidents sur ces matériels conduisent à de véritables bricolages comme ça été le cas ces derniers temps pour ce réacteur Bugey 5. A force de jouer avec le feu, l'accident viendra. Il sera alors trop tard.

Par mémoire l’IRSN prévoyait en 2016 une inspection de la cuve du réacteur n°5, car elle ne présentera plus les marges de sûreté suffisantes face à un risque de rupture brutale dans certaines conditions accidentelles. Comment l’ASN a-t-elle pu donner une autorisation d’exploitation jusqu’en 2022, sans la limiter à 2016 ? La question se pose d’autant plus que la centrale de BUGEY a été pointée du doigt par l’ASN, pour sa prestation 2013, et que l’ASN a pu constater lors de l’exercice PPI du 28 janvier 2014 que tout était sous contrôle(3 incidents de niveau 1, enregistrés le 4 février !) La seule décision raisonnable qui prendra en compte les horribles expériences tirés de l'accident de Fukushima" sera la fermeture rapide et définitive de cette centrale.
En France 21 centrales nucléaires ont plus de 30 ans, les fermer coûtera moins cher que de prendre le risque de les « prolonger ».Une prolongation de la centrale nucléaire de Bugey à coté d’une ville comme Lyon avec des milliers des habitants est un crime. Japon nous montre le problème énorme de trouver des liquidateurs en cas d’accident dans une démocratie. La prolongation ne peut pas être une question d’économie c’est une question humanitaire ! En plus la France a facilement la possibilité de créer la production des énergies renouvelables si le gouvernement et l’ASN et les responsables du gouvernement ont le courage du changement.

Est-on en train de se moquer des potentielles victimes de ce réacteur défaillant ? Prolonger la durée de vie d'une telle grenade dégoupillée et enrober l'excuse avec des "prescriptions complémentaires applicables au site" ??? Personnellement, ce n'est pas avec des mesures aussi floues que je me sens en sécurité. Mais c'est surtout le "prend(re) en compte les premiers enseignements tirés de l’accident de Fukushima" qui me dépasse. Si une autorité un tant soit peu intelligente et humaine, là-haut, avait retenu la leçon de nos amis japonais, elle aurait immédiatement fermé la centrale.
Fukushima s'est déroulé trop loin de l'Europe et Tchernobyl est oublié : il faut un nouveau désastre afin de faire vraiment peur à toutes ces entreprises qui jouent avec non seulement les vies des habitants de la région, si ce n'est de la France, mais aussi avec celles du reste de la Terre, comme nous l'a si bien prouvé le Japon avec ses écoulements de radioactivité, ses terres contaminées jusqu'au cœur et ses habitants marqués sur plusieurs générations.
Un organisme comme le vôtre est justement chargé d'éviter qu'un pareil accident ne se reproduise en prenant la bonne décision au bon moment. Vous ne pouvez pas vous permettre d'accorder le bénéfice du doute à EDF en retardant le moment où il faudra sortir la somme certes importante mais nécessaire au démantèlement du réacteur. Des vies humaines sont en jeu et j'espère que, dans la position où vous vous trouvez, vous ne placez pas ces vies dans la même balance que l'argent (sans tenir compte encore des conséquences dramatiques et irréversibles sur l'environnement, vous savez, ce vaste espace débordant de ressources que nous avons un peu tendance à négliger). Mais si c'est le cas, sur qui alors pouvons-nous compter ?

Il est temps de tourner cette page du nucléaire dans notre pays (et ailleurs); Que cette vieille centrale soit démantelée, la prolonger c'est prolonger voire aggraver la prise de risque. Nous pouvons baisser nos consommations, mais voilà, EDF n'a pas cette priorité! Nos vies et celles de nos enfants méritent plus de considération. L'industrie nucléaire par nature est un risque hors de proportion avec son objet. Obsolète, ses déchets ont une longue durée de vie, sans commune mesure avec le "bénéfice" de la production d'électricité qu'elle assure. Cadeau empoisonné pour nos descendants. Dire que la population n'a jamais eu aucune part à la décision de construire ces centrales.