Ouverture intempestive d’une vanne vapeur sur le réacteur 1 de la centrale nucléaire de Cattenom : l’ASN a gréé son organisation de crise et réalisé une inspection réactive sur site
Note d'information
Le 28 mai 2015, le réacteur 1 de la centrale nucléaire de Cattenom[1] était maintenu à une puissance nucléaire voisine de 2 % de sa puissance nominale, après avoir achevé les essais de redémarrage qui ont suivi son arrêt pour maintenance et renouvellement partiel du combustible [Figure n°1]. Le refroidissement du réacteur était assuré par les générateurs de vapeur. A 13h25, le système de protection du réacteur a déclenché une série d’actions automatiques qui ont provoqué l’arrêt automatique du réacteur à la suite d’un blocage, en position complètement ouverte, d’une vanne du système GCTa[2]. La dégradation des paramètres thermohydrauliques du réacteur a conduit l’exploitant à déclencher le plan d’urgence interne à 14h08.
L’ASN, immédiatement informée, a aussitôt gréé son organisation de crise. La division de Strasbourg de l’ASN a mis à la disposition de la préfecture de Moselle un agent pour lui apporter un appui technique ; une équipe d’inspecteurs de la sûreté nucléaire s’est rendue dans les locaux de crise de la centrale de Cattenom.
L’ASN a réalisé dès le 29 mai 2015 une inspection sur le site de Cattenom.
Description de l’événement
Illustrations des états thermohydrauliques successifs
du réacteur 1 de Cattenom pendant l’événement du 28 mai 2015
L’ouverture intempestive de la vanne de décharge à l’atmosphère (GCT 021 VV) implantée sur la ligne vapeur du générateur de vapeur (GV 1) provoque une augmentation rapide du débit vapeur dans ce GV et une baisse de pression et de niveau dans ce dernier [Figure n°2]. Il en résulte un excès de refroidissement du circuit primaire et la contraction du fluide primaire mesurés par la diminution rapide du niveau d’eau et de la pression dans le pressuriseur [Figure n°3]. Sur détection d’un bas niveau d’eau dans le GV 1 et d’un refroidissement excessif du circuit primaire, le système de protection provoque l’arrêt automatique du réacteur, l’isolement de l’enceinte de confinement et la mise en service de l’injection de sécurité[3].
En application des règles de conduite, le repli du réacteur vers l’état sûr est engagé. Dans ce cadre, la ligne du GCTa est isolée en procédant à la fermeture de la vanne d’isolement vapeur (GCT 011 VV) située en amont de la vanne de décharge défaillante. Le refroidissement est alors assuré par les trois générateurs de vapeur non affectés jusqu’à l’atteinte des conditions de pression et de température dans le circuit primaire permettant la connexion du circuit de refroidissement du réacteur à l’arrêt. Ces conditions ont été atteintes à 18h00 [Figure n° 4].
Conséquences réelles
L’événement a engendré une baisse brutale de pression et de niveau au sein du GV 1 et peut avoir provoqué des désordres[4] au niveau des structures internes de ce générateur de vapeur.
Les informations enregistrées par les chaînes de mesures surveillant en continu la radioactivité contenue dans le circuit secondaire n’ont pas révélé d’accroissement de l’activité susceptible de résulter d’un endommagement d’un tube du générateur de vapeur affecté. Aucune augmentation de la radioactivité n’a été mesurée sur le site ou dans l’environnement de la centrale nucléaire.
Conséquences potentielles
L’événement survenu le 28 mai 2015 est un accident de dimensionnement étudié à la conception des réacteurs électronucléaires.
La perte d’intégrité du circuit secondaire est un accident de réactivité : il entraîne un excès de refroidissement du circuit primaire, ce qui provoque une augmentation de la puissance neutronique du réacteur et, in fine, une élévation de la température du combustible susceptible d’entrainer sa dégradation notable en cas de défaillance des systèmes de protection et de sauvegarde.
Concernant les conséquences potentielles sur les personnes et l’environnement, cet accident a conduit à une évacuation de vapeur du circuit secondaire dans l’environnement, comme cela se produit lors des phases de démarrage et de mise à l’arrêt du réacteur. La conservation de l’intégrité du circuit primaire constitue un enjeu fort. En effet, en cas de rupture d’un ou plusieurs tubes du GV affecté, la contamination radioactive du circuit primaire peut alors être rejetée l’environnement. Dans une telle situation, la stratégie de conduite du réacteur aurait conduit à baisser plus rapidement la pression du circuit primaire pour annuler la fuite entre le circuit primaire et le circuit secondaire.
Actions de l’ASN
L’ASN a gréé son centre d’urgence à Montrouge et a bénéficié de l’appui de l’IRSN qui a également gréé son centre technique de crise. La division de Strasbourg de l’ASN a aussitôt mis une personne à la disposition de la préfecture de Metz alors qu’une équipe d’inspecteurs de la sûreté nucléaire s’est rendue dans les locaux de crise de la centrale de Cattenom. L’ASN a réalisé dès le 29 mai 2015 une inspection sur le site de Cattenom.
Les résultats des premières investigations mettent en évidence un dysfonctionnement du positionneur qui équipe la vanne GCT 021 VV [Photo 1]. Le positionneur a pour rôle de régler l’ouverture et la fermeture de la vanne en fonction des consignes délivrées par le contrôle commande du réacteur.
Les inspecteurs ont examiné les activités de maintenance, de réglage et d’essai de cet appareil. Le résultat de ce premier examen n’a pas mis en évidence les causes profondes du dysfonctionnement du positionneur. Ils ont noté qu’un de ses composants électroniques était signalé défaillant par le système d’autodiagnostic.
Le positionneur en cause avait été remplacé lors de l’arrêt pour maintenance du réacteur à la suite d’un premier dysfonctionnement. Le nouveau dysfonctionnement à l’origine de l’événement du 28 mai 2015 pose donc la question de la fiabilité intrinsèque de la vanne GCT 021 VV et de ses accessoires, alors que cet équipement doit répondre à des exigences de haute fiabilité pour assurer notamment sa fonction de protection contre les surpressions des circuits secondaires principaux.
Compte tenu de ces éléments, et en complément des actions engagées par EDF, l’ASN a demandé à EDF de procéder, avant le redémarrage du réacteur 1 de Cattenom :
- au contrôle du GV 1 afin de vérifier l'absence de désordre au niveau de ses structures internes ainsi que l'absence de corps étranger,
- de justifier que :
- l'exigence de haute fiabilité de l’équipement GCT 021 VV n’est pas remise en cause par les dysfonctionnements observés sur ce dernier
- les interventions réalisées à la suite de l'événement du 28 mai 2015 permettent de garantir la disponibilité de cet équipement pour le cycle à venir.
En outre, compte tenu du caractère potentiellement générique de l’anomalie à l’origine de cet événement, l’ASN a demandé à EDF de recenser les dysfonctionnements de cet équipement ayant affecté les réacteurs en fonctionnement depuis 2012 et d’en préciser les origines.
Classement de l’événement
L’événement significatif pour la sûreté du 28 mai 2015 n’a pas eu d’impact sur les travailleurs ni sur l’environnement. Il a été classé par l'ASN au niveau 1 de l’échelle INES.
En savoir plus
Consulter le communiqué de presse :
- Cattenom (Moselle) : incident de niveau 1 sur l’échelle internationale INES
du 28 mai 2015
[1] Le réacteur 1 de Cattenom est un réacteur de 1300 MWe et comporte 4 générateurs de vapeur. Il a été mis en service en 1986.
[2] Le circuit GCTa évacue la vapeur produite par les générateurs de vapeur (GV) dans l’atmosphère. Ce circuit est utilisé lors de chaque phase de démarrage et d’arrêt du réacteur ; il permet de piloter son refroidissement par les GV lorsque la quantité de vapeur produite par chaque GV est insuffisante pour entrainer la turbine, ou en cas d’indisponibilité fortuite de cette dernière.
[3] Le circuit d’injection de sécurité apporte dans le circuit primaire, la quantité d’eau borée nécessaire pour assurer le refroidissement du réacteur, notamment en cas de brèche sur le circuit primaire pour restaurer un inventaire en eau et l’anti-réactivité nécessaire pour prévenir la reprise des réactions nucléaires.
[4] On qualifie de « désordres » les conséquences des contraintes mécaniques subies par le GV et ses internes pendant sa vidange. Il peut s’agir notamment de marquage des tubes au droit des plaques entretoises, de déformation des tirants et de présence de corps migrant au niveau de la plaque tubulaire.
Date de la dernière mise à jour : 03/09/2021